Il existe dans la religion védique un complexe rituel matinal, l’agnihotra, qui est ancien et fondamental, puisqu’il suffit à lui seul à qualifier l’homme religieux. Les Shrautasûtra, traités de liturgie solennelle, le décrivent avec minutie. Il implique trois feux et trois officiants, et comporte de nombreuses séquences. Il a pour but d’aider le soleil à se lever et de le renforcer dans son énergie et dans sa course. Ces croyances solaires se maintiennent, au sein de l’hindouisme classique, dans les Grihya sûtra, les «Traités domestiques». Selon ces textes, les hommes appartenant aux trois classes (varna) supérieures de la société et qui se trouvent dans le deuxième âge de la vie, celui de grihastha («maître de maison»), marié et gardien du feu domestique, doivent réciter chaque matin une prière, empruntée à des stances du Rig Veda. Il s’agit de saluer la sortie de la nuit, domaine des ombres et de «l’inagencé», et la naissance d’un nouveau jour, que l’on place sous de bons auspices.
Donne-nous aujourd’hui, Dieu Savitar (soleil)
le bonheur d’une descendance
repousse au loin le mauvais rêve!
Repousse au loin tous les dangers,
repousse-les, Dieu Savitar,
et donne-nous ce qui est bon!
Va-t-en, Seigneur de notre esprit!
écarte-toi, éloigne-toi!
Dis là-bas à la Néantise (Nirriti : l’opposé de l’agencé, de l’ajusté) :
«Multiple est l’esprit du vivant!»
Bonheur le vœu que l’on choisit
Bonheur ce que l’on place à droite
Bonheur le regard de Yama (la mort)
Si nous avons péché, dormant, veillant,
en conscience, ignorance ou malveillance,
qu’Agni les écarte de nous, bien loin,
tous ces actes malfaisants, répugnants!
Si nous commettons une offense,
ô Indra, Brahmanaspati (l’un des noms du dieu créateur)
veuille l’Angiras (Titre d’Agni) prévoyant
nous garder des méfaits adverses!
Nous voici vainqueurs, sans péché;
la folie les desseins mauvais
qu’ils frappent celui qui nous veut du mal
et celui à qui nous voulons du mal!
Sankhayana Grihya sûtra 1, 1, 1, dans Le Veda, Textes choisis, trad. fr. J. Varenne, Paris, éd. Planète, 1967, p. 267.