La sagesse hassidique affirme : «Seuls les naïfs pensent que la vieillesse ressemble à l’hiver; pour les sages c’est le temps de la récolte.»
L’hiver, disent certains! Le mauvais temps, la froidure, les rafales, le vent qui vous pince. Bref, la mauvaise saison. Certains s’engagent dans la vieillesse en maugréant. À soixante ans, soixante-dix, ils arrêtent toute activité. Ils s’écrasent dans leur fauteuil, s’enveloppent dans leur couverture de laine. Et pleurent les beaux jours de leur jeunesse.
Il n’est pas dans la nature de la vieillesse de devenir une mauvaise saison. On fabrique soi-même sa vieillesse. Elle est hivernale quand on l’occupe à ressasser de mauvais souvenirs. Un échec, une blessure remontent à la surface de la rivière intérieure. Tout indique qu’on n’a pas réglé l’affaire. En brassant la soupe, on amplifie même ce qui reste à régler.
On veut tellement avoir une vie parfaite. Que du beau! Que de la réussite! La moindre égratignure soulève la honte et fait rougir. On a beau vouloir à tout prix éliminer le regrettable, on ne peut pas faire disparaître la tache.
Et on manque une belle chance de faire de sa vieillesse un temps de récolte. La vie, sans être parfaite, a produit ses fruits. De bons fruits. Des rencontres ont permis des relations enrichissantes. Des amitiés ont fait mûrir le bonheur. Des projets sont devenus des réussites. Des découvertes font maintenant partie du patrimoine personnel.
Tous ces bons coups ont façonné la personnalité. Ils ont favorisé la quête de sens. Ils ont permis de s’épanouir ou, au moins, offert la possibilité de s’épanouir. Beaucoup de ces bons coups sont oubliés mais il reste de leur passage une certaine harmonie, de la sérénité. La vieillesse devient alors un temps de mûrissement. On a la chance de connaître la maturité. Et de continuer de grandir, de faire de nouvelles découvertes. Et de ne pas mourir avant sa mort.