La Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, qui se déroule du 18 au 25 janvier, est une belle occasion de rappeler la vie et l’oeuvre de l’abbé Paul Couturier, témoin et précurseur d’un authentique oecuménisme spirituel. Issu d’une famille bourgeoise présente dans l’industrie chimique, Paul Couturier naît à Lyon le 29 juillet 1881. Après la guerre de 1914-1918, où il a été mobilisé comme infirmier, il est amené à participer à un apostolat auprès des immigrés russes, et il va se lier d’amitié avec le monde orthodoxe. En juillet 1932, il fait une retraite chez les bénédictins en Belgique. Il y découvre le testament spirituel du cardinal Mercier et les travaux de Dom Lambert Beauduin, fondateur de l’Abbaye de Chevetogne, tous deux précurseurs de l’oecuménisme au sein du monde catholique.
Au milieu des années 1930, alors que la prière pour l’unité commençait à se répandre dans l’Église catholique et dans les communautés anglicanes favorables à une union avec Rome, c’est l’abbé Paul Couturier qui, à Lyon, lui donne un nouvel élan. Surtout, il lui assigne un nouvel objectif : prier pour l’unité «telle que le Christ la veut, par les moyens qu’Il voudra». Mais le témoignage prophétique de l’abbé Couturier va se déployer dans un contexte difficile. Car l’unité des chrétiens, telle que d’aucuns l’envisageaient dans les débuts du mouvement vers 1908, signifiait en fait l’unité autour du Siège romain. Plus tard, l’opposition romaine au dialogue s’exprimera sans ambiguïté dans l’encyclique Mortalium Animos de Pie XI en 1928 : «L’union des chrétiens ne peut être pensée autrement qu’en favorisant le retour des dissidents à la seule véritable Église du Christ.» Malgré cela, Paul Couturier va exprimer sa vision de l’oecuménisme, non pas en inventant la Semaine de prière pour l’unité, mais en la relisant et en lui donnant un souffle nouveau. Elle devient la prière de tous.
Ce n’est d’ailleurs pas un effort isolé: c’est également l’abbé Couturier qui, en 1936, suscite une importante rencontre spirituelle interconfessionnelle à Erlenbach, en Suisse, entre des pasteurs réformés et des prêtres catholiques. Ce sera le point de départ du Groupe des Dombes, qui réunira ensuite, chaque année, quelque quarante théologiens, catholiques et protestants, pour un dialogue théologique oecuménique. En 1939, Paul Couturier élargit encore ses horizons et fait la connaissance du pasteur Willem Visser t’Hooft qui deviendra secrétaire du Conseil œcuménique des Églises à Genève, et, à l’automne 1940, il rencontre Roger Schutz qui envisage de créer à Taizé une communauté monastique dans le cadre du protestantisme. Et si l’abbé Couturier continua d’éclairer des temps difficiles, ce fut beaucoup grâce au soutien actif de son évêque, le cardinal Gerlier, qui célébrera ses funérailles à Lyon, en 1953, en présence de nombreux amis pasteurs protestants.
Dès 1958, la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens sera préparée avec la collaboration de la commission Foi et constitution du Conseil oecuménique des Églises. Après le concile Vatican II, il y aura création d’un secrétariat pour l’unité des chrétiens, qui deviendra le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens. Et depuis 1968, la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens est préparée chaque année par une commission internationale et interconfessionnelle qui émane à la fois du Conseil œcuménique des Églises, du côté de la Réforme, et de ce Conseil pontifical romain.
La prière pour l’unité jette le croyant dans le coeur du Christ, où il y a sa prière sacerdotale: «Père, qu’ils soient un pour que le monde croie» (Jean 17, 21). Cette prière ouvre au souffle de l’Esprit et ajuste au dessein divin de salut. L’abbé Couturier souhaitait que l’Esprit Saint donne à tous la loyauté de reconnaître et le courage de rejeter ce qui se cache en eux d’indifférence, de méfiance et même d’hostilité mutuelle. Aujourd’hui, le Chemin Neuf, une communauté nouvelle à vocation oecuménique issue du renouveau charismatique, s’inspire de la figure de Paul Couturier pour raviver le désir d’éprouver jusqu’à la souffrance de la séparation. Mieux, cette communauté a pris l’initiative de modifier légèrement la prière pour la paix de la messe, en ajoutant comme suit certaines intentions (en italique):
«Seigneur Jésus-Christ, tu as dit à tes apôtres: Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix; ne regarde pas nos péchés mais la foi de ton Église; pour que ta volonté s’accomplisse, donne-lui toujours cette paix, donne ta paix aux Églises orientales, aux Églises orthodoxes et à leurs patriarches; donne ta paix aux Églises issues de la Réforme, à la Communion anglicane, aux Églises évangéliques, à toutes les assemblées chrétiennes qui invoquent ton Nom, et aux responsables de chacune de ces Églises. Mets un terme à notre division; et conduis-nous vers l’unité parfaite, Toi qui règnes pour les siècles des siècles. Amen.»
Ah! oui, la communauté tire son nom du premier lieu de réunion, situé montée du Chemin Neuf, qui est une rue de Lyon en France.