[…] Les gens disent quelquefois : « Nous vivons dans un monde complètement pourri, perverti. » Ce n’est pas exact. Il existe encore des braves gens, des gens honnêtes. Mais que faire pour améliorer la société ?
Que chacun d’entre nous s’efforce d’être bon, de répandre autour de lui la contagion de a bonté pétrie de la douceur, de l’amour enseigné par le Christ. Car voici la règle d’or du Sauveur : « Ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse ; faites aux autres ce que vous voulez qu’on vous fasse. Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. » Lui, il a toujours donné. Mis en croix, il a pardonné à ses bourreaux. Bien plus, il les a excusés : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’il font. »
C’est cela, le christianisme. Si ces sentiments étaient vécus dans la pratique, la société humaine s’améliorerait.
Il y a trente ans mourait un grand écrivain catholique, Georges Bernanos. Le « Dialogue des Carmélites » est l’une de ses œuvres les plus connues, publiée un an après sa mort. Il l’avait écrite pour le théâtre à partir d’un récit de Gertrud von Le Fort, auteure allemande. Cette pièce a été jouée, mise en musique, portée à l’écran dans le monde entier. Or cette œuvre on ne peut plus connue repose sur un fait historique.
En 1906, ici à Rome, Pie X avait béatifié les seize Carmélites de Compiègne mises à mort pendant la Révolution française.
À la fin de leur procès le verdict tomba : « Condamnées à mort pour fanatisme. » L’une d’elles, dans sa simplicité, demanda :
– Monsieur le Juge, je vous prie, qu’est-ce que cela veut dire, fanatisme ?
Et le juge :
– C’est votre stupide appartenance à la religion.
– Oh ! mes Sœurs, reprit-elle, vous avez entendu ? On nous condamne pour notre attachement à la foi. Quel bonheur de mourir pour Jésus-Christ !
On les a fait sortir de la prison de la Conciergerie. On les a fait monter sur la charrette fatale. Sur le trajet elles ont chanté des hymnes religieuses. Arrivées au bas de l’échafaud, l’une après l’autre elles se sont agenouillées devant leur Prieure et ont renouvelé leur vœu d’obéissance. Après quoi elles ont entonné le « Veni Creator ». Le chant de vint de plus en plus faible à mesure que les têtes des pauvres Sœurs, une par une, tombaient sous le couperet de la guillotine. Sœur Thérèse de Saint Augustin, la Prieure, resté la dernière, prononça ces ultimes paroles :
– L’amour gagnera toujours : l’amour peut tout.
Voilà le mot juste. Ce n’est pas la violence qui peut tout, c’est l’amour.
Demandons au Seigneur cette grâce : qu’un raz-de-marée d’amour inonde notre pauvre monde.
(Jean-Paul 1er, Le temps d’un sourire, Angélus du dimanche 24 semptembre 1978, p.106-109.)