Novembre ! Le mois qui commence dans le souvenir de nos chers disparus. Et que nous appelons le mois des morts. Je veux le commencer en me rappelant un oncle qui a passé la majeure partie de sa vie en institution psychiatrique. Oncle Victor a droit à un hommage même si sa vie a été plus que discrète. Parce que sa vie a été discrète !
Victor a été un pauvre et un petit. Un homme démuni, démuni dans son corps, dans son esprit. Un homme prisonnier de son mystère. Un homme qui vivait dans un univers aux frontières très étroites.
Du moins à nos yeux à nous, selon nos critères d’évaluation. Nous ne saurons jamais le secret qui l’habitait, s’il était heureux de ce qu’il vivait, s’il avait des rêves, s’il parvenait vraiment à dire ses joies et ses préoccupations.
Dans toute sa pauvreté, Oncle Victor avait sa propre richesse. Il est né, il a vécu sur cette terre une vie faite de gratuité. Une vie qui ne se mesure pas selon nos critères de performance, selon les règles de la rentabilité. Une vie gratuite, une vie pour rien… C’est sans aucun doute le plus beau témoignage qu’on puisse offrir à l’humanité. Vivre et simplement vivre, jour après jour.
Dans sa faiblesse, Oncle Victor a suscité autour de lui de nombreuses personnes qui l’ont accompagné, soigné, qui se sont dévoués à son endroit, qui l’ont servi. Je me souviens d’un jeune médecin au Lac Etchemin qui m’a parlé de lui avec beaucoup de compassion. Nous ne pourrons jamais mesurer tout le bien, tout le dévouement qu’il a suscité autour de lui.
Enfin, dans sa pauvreté et dans sa faiblesse, Oncle Victor a été et est encore un des préférés du Christ. Le Christ n’est-il pas venu pour les malades plutôt que pour les bien-portants? Le Christ n’est-il pas principalement le frère des petits, des pauvres, des laissés-pour-compte? Le Christ ne cherche-t-il pas depuis toujours cette zone de pauvreté qui habite chaque personne, cette faiblesse qui fait partie de la vie de chacun d’entre nous? Ne cherche-t-il pas notre pauvreté pour nous enrichir de sa pauvreté à lui, pour nous enrichir de sa liberté et de son amour?
C’est pour chacun d’entre nous que le Christ a accepté de donner sa vie. C’est aussi pour Oncle Victor que le Christ a traversé la mort. Il a tout perdu pour tous les perdus de la vie; il a tout perdu pour que rien ne se perde de cette terre et de ceux et celles qui l’habitent ou l’ont habitée.
Une lumière se dégage de la vie d’Oncle Victor malgré les ombres qui l’entourent. Sa pauvreté nous inspire une richesse. À travers lui, Dieu nous dit l’essentiel de toute vie: que nous sommes faits les uns pour les autres, que nous sommes faits pour Dieu et que nous n’aurons pas d’autre bonheur que les autres et Dieu lui-même.