Si vous allez visiter la Bretagne du côté de Cancale à l’ouest de St-Malo, vous pourrez pousser à peu de distance au nord et découvrir face à l’Angleterre la Pointe du Grouin, avancée de granit déchiqueté battu par l’océan. Au cours d’une semaine de vacance, nous avions décidé de visiter en famille cette région magnifique dont sont originaires bon nombre de Québécois, sans oublier, bien entendu, la ville du Malouin qui découvrit le Canada, Jacques Cartier.
Revenons à la pointe. Elle était balayée par les vents et offrait sur la mer, sans cesse recommencée, un panorama à couper le souffle. Si nous nous étions contentés de nous promener parmi les hauteurs à l’aplomb d’à-pics formidables, cela nous aurait suffi. Si nous nous étions contentés de nous laisser captivés par le silence de la mer et le bruit du fracas des flots sur les rochers, cela nous aurait suffi. Si nous nous étions contentés de nous laisser absorbés par la contemplation de la Création, contemplation ressourçante, cela nous aurait suffi. La famille presqu’entière _ il manquait notre cadet _ était à la fois unie dans la contemplation et composée de volontés libres qui furetaient dans cette même contemplation. Il y avait communion mais pas fusion.
Et il arriva cependant que, sur le départ, deux d’entre nous voulurent prolonger l’instant car il était bon que nous fussions là. J’accompagnai presque par hasard notre fils aîné en descendant la pente abrupte vers les rochers et cette eau qui nous appelait. Irait-on jusqu’au bord lointain, à la pointe de la Pointe ? Nous ne le savions pas encore, absorbés, immergés dans l’instant. Après quelques moments de varappe, nous arrivâmes à la limite. Etonnés, sur notre gauche, nous vîmes s’ouvrir, béante, une immense grotte qui cachait son anfractuosité à l’aplomb même du piton qui pointait vers le ciel et l’Angleterre.
Comme une perle précieuse que nous avions trouvée, nous nous empressâmes de rejoindre le reste de la famille : il fallait qu’ils découvrissent aussi cette merveille. Au retour de tous et de toutes, les visages graves mais ravis avaient encore devant les yeux quelque chose de cette contemplation unique. Pour un de ces rares instants dans une vie, nous prenions conscience de ce présent caché, de cette générosité offerte, là, par la Création et qui nous permettait furtivement de vivre profondément ce temps, cet instant. Ce présent nous rendait présents.
Être là, être …