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Cinéma d'aujourd'hui,

Responsable de la chronique : Gilles Leblanc
Cinéma d'aujourd'hui

Jeunes filles en toute liberté : GABRIELLE et WADJDA

Imprimer Par Gilles Leblanc

Deux films à petit budget et qui traitent de jeunes filles ordinaires mais allumées ont retenu notre attention cette fois-ci. Alors que dans WADJDA la réalisatrice saoudienne Haifaa Al Mansour présente une écolière qui échappe aux conventions sociales et religieuses de son pays islamiste, la Québécoise Louise Archambault éblouit avec sa dynamique Gabrielle, qui s’affirme malgré sa déficience intellectuelle. Pas étonnant que les deux productions aient été choisies pour représenter leur pays respectif (Arabie saoudite et Canada) pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2014.

GABRIELLE

Huit ans après un premier long métrage (FAMILIA), Louise Archambault revient en force et en feu avec un film lumineux, généreux de cœur et d’esprit, sur l’indépendance et le désir.

Gabrielle, déficiente intellectuelle de 22 ans vivant dans une résidence spécialisée de Montréal, a trois passions dans la vie: sa sœur aînée Sophie, qui prend soin d’elle au point d’oublier de vivre sa propre vie auprès de son conjoint, coopérant international qui l’attend en Inde; sa chorale, composée de handicapés comme elle, qui répète le répertoire de Robert Charlebois en prévision d’un concert que celui-ci donnera avec eux en plein air; enfin, Martin, un confrère de la chorale pour qui elle a le béguin, et réciproquement.

Lorsque l’affection des deux tourtereaux menace de déborder sur le terrain sexuel, la mère de Martin y met un frein, contre l’avis des intervenants et de Sophie, qui souhaite voir sa sœur s’épanouir. Martin s’étant fait interdire la chorale et la fréquentation du centre où habite Gabrielle, cette dernière, en proie à un chagrin mêlé de colère, forme le projet d’obtenir son indépendance. Mais le diabète sévère dont elle est atteinte complique les choses.

La force inattendue de GABRIELLE tient en premier lieu à son approche frontale d’une héroïne admirable, jouée avec vérité et nuance par Gabrielle Marion-Rivard, atteinte dans la vie du syndrome de Williams. Elle tient aussi à la mise en scène vigoureuse et sans coutures visibles, harmonisant un faisceau de points de vue.

Elle tient enfin à la simplicité et à l’éloquence de l’écriture, qui demeure fluide malgré la complexité de l’intrigue mixant deux enjeux en miroir: l’amour de Gabrielle et Martin (remarquable Alexandre Lamy), soumis à l’approbation sociale, et l’attachement affectif de l’héroïne et de sa sœur (sublime Mélissa Désormeaux-Poulin), qui les emprisonne de l’intérieur. Laquelle des deux va libérer l’autre? Archambault répond à cette question en temps voulu, sans hâte ni raccourcis, brossant chemin faisant un tableau foudroyant d’émotion.

WADJDA

Premier film produit et tourné en Arabie saoudite, WADJDA a de surcroît été réalisé par une femme, un exploit digne de mention dans ce pays islamiste au régime autoritaire. Haifaa Al Mansour a d’ailleurs dû diriger toutes les scènes extérieures à partir d’une camionnette, car il lui était impossible de se montrer en public. Les limites, nombreuses, imposées aux femmes en Arabie saoudite sont exposées avec clarté dans ce portrait de société croqué à travers le regard d’une préado, dont la débrouillardise évoque à bien des égards celle de la réalisatrice.

En banlieue de Riyad, Wadjda, 12 ans, ne passe pas inaperçue. Toujours en espadrilles et portant son voile de manière négligée, la préadolescente téméraire et anticonformiste suscite la réprobation générale. Même sa mère est exaspérée par son insistance à vouloir obtenir une bicyclette, et ce bien qu’en Arabie Ssaoudite, la pratique de ce sport soit strictement interdite aux filles.

Apprenant que son école organise un concours de récitation coranique doté d’un prix en argent qui lui permettrait d’acheter le vélo de ses rêves, Wadjda s’attelle à la tâche, bien qu’elle soit peu douée dans cette discipline. Entre les tensions familiales et les remontrances de ses professeurs qui lui reprochent son ton monocorde, la préparation au concours s’avère plus difficile que prévu.

Signant une mise en scène compétente mais plutôt effacée, Al Mansour dépeint avec vérité, nuance et surtout, sans animosité, le quotidien à la fois banal et difficile d’une enfant freinée dans son élan. L’énergique Waad Mohammed incarne avec une aisance cette fille frondeuse et attachante, dont le courage met à mal bien des tabous.

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