Je me souviens de la réponse de Carmelle quand sa fille s’est mariée. On lui avait dit qu’elle « perdait » une fille. Carmelle étant d’un naturel positif répondit du tac au tac : » Je ne perds pas une fille, je gagne un fils ! » Quelle belle réponse ! Ah ! Si toutes les belles-mères du monde pouvaient être aussi accueillantes !!! Bien souvent, en ces cas, le parent a l’impression qu’on lui prend son enfant, et entre dans une certaine compétition ; il observe d’un mauvais œil chaque faux pas du gendre ou de la bru, dans le but de pouvoir dire : « Je te l’avais bien dit ! » Carmelle a su rester chaleureuse et accueillante. Je l’ai vu être un soutien auprès des petits-enfants, un soutien pour le couple qu’elle souhaitait heureux, et disponible en cas de coup dure. Je n’ai jamais senti de sa part de mauvais mot sur « l’intrus » qui s’ajoutait à la famille. Toujours de la bienveillance : elle a réellement considéré ses gendres comme des fils !
Malheureusement, cela ne se passe pas toujours ainsi, et après l’argent, le sujet de la belle-famille est sûrement un des plus grands motifs de dispute chez les couples. Il n’est pas toujours facile de trouver sa place dans sa nouvelle belle-famille. Parfois cela peut venir de nous-mêmes car on voit une menace ou une intrusion dans notre vie de couple là où il faudrait y voir de la sollicitude. D’autres fois, il y a une réelle hostilité d’un beau-père, d’une belle-sœur qui ne nous apprécie pas…
La sagesse nous apprend que tant que cela demeure « vivable », il est toujours mieux de garder les liens, quitte à espacer un peu les rencontres. Il vaut aussi mieux ne pas faire trancher sa tendre moitié dans un camp. Tant que c’est possible, il est naturel que chacun fréquente sa famille et entretienne des liens.
Que faire quand cela interfère fortement dans sa vie de couple ? Si nous avons vraiment en notre âme et conscience tout fait pour favoriser, tant que faire se peut, de bons liens avec la belle-famille et que la relation devient réellement toxique : on peut prendre de la distance et laisser l’autre fréquenter sa famille seul. Si cela va trop loin, il vaut mieux privilégier le couple, et couper les liens.
Le couple est un compagnonnage fragile que la société met à mal trop souvent. Nous nous sommes engagés pour le meilleur et pour le pire. Parfois, le pire est la famille élargie. Il n’est pas anti-chrétien de prendre une distance avec la famille, parfois temporairement, afin de permette à chacun de se pacifier et voir autrement la situation. Je me souviens d’une amie qui avait reçu une douche froide de la part de sa belle-famille quand elle annonça sa quatrième grossesse. La belle-maman avait reproché à sa bru de ne savoir « que » faire des enfants et se faire vivre par son fils. Les paroles étaient allées trop loin… Le mari de mon amie a su prendre ses responsabilités d’époux et s’éloigner avec sa femme afin de préserver les choix de vie de son couple. Le temps a passé et il a fallu beaucoup de pardon pour que les relations reprennent. La petite-fille a ensuite su séduire le cœur de ses grands-parents.
On dit souvent : je me marie avec lui et pas avec sa mère. Certes, c’est vrai en grande partie… Mais en épousant l’autre, il y a une histoire de famille, belle ou plus sombre qui fera partie elle aussi de notre histoire qui se construira avec notre époux. Dans les situations extrêmes, oui, nous pouvons couper des ponts. Mais c’est une cathédrale que nous espérons construire à deux. Où s’ajouteront des enfants qui auront droit de tisser des liens avec leurs grands-parents. Des grands-parents qui leur donneront sans doute trop de sucre, et qui leur feront regarder trop de télévision durant notre absence ! Nous assumons l’essentiel de l’éducation. Si l’enfant n’est pas diabétique, trop de sucre à l’occasion ne le tuera pas. Il construira une relation spécifique et à lui avec ses grands-parents. Tant que le respect demeure, tachons de garder de bons contacts entre nous tous, pour un réel enrichissement mutuel.
Le couple demande du pardon pour s’épanouir. L’ajout des enfants multiplie les pardons. Il faut compter parfois par puissance dix la nécessité du pardon quand on ajoute la belle-famille. Sans doute Dieu a-t-il trouvé dans la famille élargie le meilleur vivier pour pratiquer l’amour, puisqu’il nécessite gratuitement tant d’occasion de réconciliation.
Comme Carmelle, quand on se marie, on peut se dire que l’on gagne une famille supplémentaire et l’on devient riche de tout le passé de cette nouvelle famille en surcroit. Je me rends compte qu’avec ma belle-famille, j’ai fait miennes toutes les histoires du passé de cette famille. Comme si Nana, la grand-mère sympathique aux yeux bleus de ma belle-mère avait croisé ma route- alors qu’elle est morte bien avant que je ne me marie. Les souvenirs de ma belle-famille sont devenus miens aussi…
Il existe une blague qui faire dire à Patrick : « Jésus a dit aimer ceux qui vous veulent du mal. Est-ce que ça comprend aussi ma belle-mère ? »