Kabîr apparaît comme le chef de file d’une lignée de mystiques mi-hindous mi-musulmans, originaires principalement du nord et du nord-ouest de l’Inde, voués à la dévotion la plus intense envers un Dieu invisible et inconcevable. Ila vécu à Bénarès dans al seconde moitié du XVème siècle, mais on ne sait même pas exactement quand il est né ni quand il est mort; appartenant à une caste inférieure d’artisans récemment islamisés, les Julaha, probablement illettré, il exerça le simple métier de tisserand. Pour Kabîr, les religions ne sont que des institutions qui séparent les hommes entre eux et figent le divin en des images qui ne peuvent rendre compte de sa dimension d’Absolu. Dans es poèmes, Râm est simplement un des noms de Dieu, celui qu’il a reçu dans la tradition vishnouite, sans plus : on les appellera, lui et ses disciples, des nirguni bhakta, des «dévots du nirguna», c’est-à-dire du «Sans Forme».
Le Nom de Hari (Vishnu ou Râma), voilà ma richesse,
Je ne la serre pas dans ma poche, et ne la vends pas pour manger!
Ton Nom est mon champ, ton Nom est ma maison,
Je T’adore et prends en Toi mon refuge.
Ton Nom est mon service, ton Nom est mon culte,
Je ne connais nul autre que Toi.
Ton Nom est mon parent, Ton Nom est mon Frère :
Au dernier moment, c’est Lui qui me viendra en aide.
Je me suis emparé de Ton Nom comme un pauvre s’empare d’un trésor,
Dit Kabîr : comme un gueux reçoit des friandises!
Kabîr, Granthâvali, pâda 333, trad. fr. C. Vaudeville, dans Au cabaret de l’amour. Paroles de Kabîr, Paris, Gallimard/Unesco, 1959, p. 155.