La souffrance ne doit pas étouffer notre capacité d’aimer
Au cours du dernier repas que Jésus prenait avec ses disciples, quand Judas fut sorti, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu en retour lui donnera sa propre gloire ; et il la lui donnera bientôt. Mes petits enfants, je suis encore avec vous, mais pour peu de temps, et vous me chercherez. J’ai dit aux Juifs : Là où je m’en vais, vous ne pouvez pas y aller. Je vous le dis maintenant à vous aussi. Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres. »
« Il faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le Royaume de Dieu. » C’est par ces mots surprenants que Paul et Barnabé exhortent les nouveaux croyants à « persévérer dans la foi ». Faudrait-il donc souffrir pour être sauvés ? Nous traversons tous des moments de vraie souffrance : un deuil, une maladie, l’absence de travail… Les souffrances seraient-elles nécessaires pour entrer dans le Royaume de Dieu ? Est-ce cela que Jésus veut dire quand il proclame « heureux ceux qui pleurent » ? Si certains le pensent, d’autres vont jusqu’à se faire souffrir en pensant que c’est ainsi qu’ils seront plus aimés de Dieu. Essayons de comprendre ce que cette exhortation veut dire.
Paul et Barnabé disent cela aux chrétiens d’Iconium, alors que le livre des Actes des Apôtres vient de relater la lapidation d’Étienne, le premier martyr chrétien, puis l’arrestation de Pierre et la décapitation de Jacques. L’Église primitive, à peine née, est persécutée gravement. Paul et Barnabé viennent d’être eux-aussi victimes d’une persécution à Antioche de Pisidie d’où ils ont été expulsés… Dans les Actes des Apôtres, il est incontestable que la progression de l’annonce de l’Évangile se fait par suite des persécutions et grâce à elles. C’est parce que l’Église de Jérusalem est persécutée que les chrétiens vont en Samarie puis à Antioche !
C’est vrai que la foi de toutes les Églises a été enracinée dans le sang des martyrs. C’est en versant leur sang que la plupart des apôtres ont fondé l’Église. Devenir disciple de Jésus, c’est devenir disciple du Crucifié ; Paul a pu écrire qu’il « porte dans son corps les marques de Jésus » (Ga 6,17). Pourtant, le chrétien n’a pas à rechercher la souffrance comme un moyen efficace de salut. Jésus n’a pas cherché la souffrance pour elle-même. La passion et la croix demeurent un scandale inacceptable ! Jésus « a souffert sa Passion », comme on le dit dans le Credo, mais il ne s’est pas fait souffrir. Il a été flagellé, couronné d’épines, crucifié par des soldats romains : il a subi la passion ! En souffrant par amour pour chacun de nous, il nous a révélé l’immense amour de Dieu pour nous. C’est l’amour du Christ qui se révèle dans sa passion qui nous sauve, pas ses souffrances.
Les chrétiens souffrent comme tous les hommes. Jésus lui-même, tout Fils de Dieu qu’il était, a connu notre souffrance et notre mort (cf. Hb 4,15). Sinon, serait-il vraiment homme ? Il a été mis à l’épreuve, comme le fut Abraham. Dans l’épreuve, le cœur de l’homme est mis à nu ! Le cœur ouvert du Christ crucifié a révélé son immense amour ! Dieu ne nous demande pas de souffrir ! Il n’est pas masochiste ! Il nous demande simplement d’aimer ! C’est cela que rappelle l’évangile de ce dimanche. « Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres. » Jésus ne nous a pas demandé de souffrir, de nous faire mal, pour mieux nous unir à lui dans sa Passion ! Il nous a simplement demandé d’aimer de tout notre cœur, y compris nos ennemis. Nous pouvons l’imiter en essayant d’aimer même dans nos moments d’épreuve. La souffrance ne doit pas nous décourager, ni étouffer notre capacité d’aimer.