On était au mois de décembre. Partout, dans les centres commerciaux et sur la devanture des maisons, s’étalaient les décorations de Noël.
Léa était ravie par autant de féérie. Du haut de ses huit ans, la philosophe demanda à sa mère : «Pourquoi toutes ces décorations au mois de décembre?» Maman, qui n’était pas très portée sur la religion, se contenta de dire : «C’est la fête de la naissance de Jésus.» Elle espérait que la conversation porte sur un autre sujet, mais l’enfant poursuivit avec une question qui relève de la théologie : «Pourquoi la naissance de ce bébé est-elle si importante?» Embarrassée, la mère retourna sa fille vers le père, lequel renvoya sa chérie au grand-père, puis à la grand-mère, et finalement à l’oncle. Une longue course à relais où les réponses et les hésitations s’entremêlaient…
Et vous, qu’auriez-vous répondu à la question de Léa? Et moi : pourquoi la naissance de ce bébé est-elle si importante qu’on en fasse l’objet d’une fête quasi universelle? Pourquoi ce «divin enfant» a-t-il modifié tant de choses, jusqu’à changer même de calendrier?
Le mois de décembre 2012 me fournit amplement de motifs pour justifier la naissance de Jésus. Cet enfant est né parce que trois autres enfants sont morts, noyés par leur mère dans la région de Drummondville. Cet enfant est né parce qu’un père, pour se venger, a poignardé à mort ses deux enfants dans la région des Laurentides. Cet enfant est né parce qu’une Saguenéenne a tué ses deux enfants. Cet enfant est né parce que d’autres enfants pleurent, victimes des conflits qui divisent leurs parents. Cet enfant est né parce que des enfants ont succombé sous les tirs d’un fou dans une école primaire au Connecticut. Cet enfant est né parce que des enfants ont été attaqués à leur arrivée à l’école dans un village de Chine. Cet enfant est né parce que des enfants sont malheureux à cause de l’intimidation qu’ils subissent dans leur école. Cet enfant est né parce que des jeunes sont à la merci de vendeurs de drogues. Cet enfant est né parce que des centaines d’enfants ont été ou sont présentement agressés par des adultes sans scrupule. Cet enfant est né parce que des jeunes sont kidnappés dans certaines régions d’Afrique pour les transformer en soldats – de la chair à canon – au service de puissants dictateurs. Cet enfant est né parce que d’autres vivent dans la peur continuellement.
La liste des bonheurs bafoués pourrait s’allonger presqu’à l’infini. Mais il y a aussi des enfants heureux, des enfants qui rient de bon cœur, des enfants qui aiment et sont aimés passionnément. Nous pourrions dresser une liste aussi longue des bonheurs réussis. C’est pour eux aussi que l’enfant de la crèche est né.
L’enfant de Bethléem est venu annoncer des mois de décembre plus réjouissants, des mois et des années sans fin où les enfants pourront jouer en paix et en toute liberté, dans la confiance totale. Le petit a grandi en donnant généreusement sa vie pour que les autres puissent vivre, et vivre heureux. Avec le droit de rêver et de croire à leurs rêves.
Dieu n’a pas trouvé cadeau plus grand à offrir que la naissance d’un enfant, son enfant. Et l’humanité n’a pas cadeau plus grand à offrir que le rire enchanteur de ses enfants.