Religieuse française née à Troyes (Champagne). Elle s’embarque en 1653 pour la Nouvelle-France (Canada). Elle ouvre, à Montréal, la première école pour les enfants des colons et fonde la Congrégation de Notre- Dame. Elle meurt à Montréal le 17 janvier 1700, acclamée comme la Mère de la colonie . Elle a été canonisée le 31 octobre l982 par le pape Jean-Paul II.
Diverses sortes d’amour
Je trouve qu’il y a plusieurs sortes d’amour parmi le monde : l’amour des étrangers, l’amour des passants, l’amour des pauvres, l’amour des associés, celui des amis, des parents, et enfin l’amour des amants. On est touché de compassion pour les étrangers, quand on apprend que leur pays est opprimé et saccagé. On aime les passants, parce qu’ils apportent quelque gain… les pauvres, à qui on donne le superflu… les associés, car leur perte est dommageable… les amis, parce que leur conversation plaît et est agréable… les parents, parce que l’on en reçoit du bien, ou que l’on craint d’être châtié par eux… Mais il n’y a que l’amour des amants qui pénètre le Cœur de Dieu, et à qui rien n’est refusé; cet amour se trouve rarement et c’est le véritable amour, car il ne connaît pas ses intérêts, ni même ses besoins; la maladie et la santé lui sont indifférentes; la prospérité ou l’adversité, la consolation ou la sécheresse, tout lui est égal; il donne sa vie avec plaisir pour la chose aimée;
Je regarde les personnes détachées de tout, et seulement attachées à Dieu, comme ce petit poisson, appelé remora, qui arrête les grands navires, c’est-à-dire tout ce qui peut nuire à l’avancement d’une communauté. O qu’une communauté est obligée à Dieu, s’Il lui fait la grâce de posséder ce petit remora, qui obtient de son Dieu tout ce qu’il demande pour sa gloire et pour le bien du prochain. Les personnes de communauté ont tous les moyens de parvenir à cette union : l’obéissance des Règles, l’accomplissement des vœux, les maximes de l’Évangile, les grâces de Dieu qu’elles reçoivent en très grande abondance.
Notre-Seigneur a fait la grâce à sainte Madeleine de répondre à l’amour qu’Il lui avait porté. Cet aimable Sauveur avait eu pour elle l’amour de complaisance, quand elle détesta ses péchés; l’amour de bienveillance, quand elle se jeta à ses pieds en les arrosant de ses larmes; et l’amour de bénévolence ou bienfaisance, quand Il fit connaître à tout le monde que beaucoup de péchés lui étaient pardonnés, parce qu’elle avait beaucoup aimé. Cette chère Amante a porté la reconnaissance aussi loin qu’il est possible à une créature; elle a ressenti toutes sortes de complaisances pour tout ce qu’elle pouvait entendre des divines perfections; elle a pratiqué l’amour bienveillant en attirant beaucoup de personnes à la suite de son Maître; et l’amour de bénévolence ou de bienfaisance en publiant sa résurrection partout où elle a pu.
La lampe fait bien comprendre l’union
L’huile étant bien clarifiée et le coton bien préparé, aussitôt qu’on l’allume, ce feu qui la fait éclairer tire l’huile jusqu’à la dernière goutte. Notre âme est représentée par l’huile; notre corps par le coton, duquel il reste ensuite un peu de cendre, marque de la résurrection qui doit arriver à la fin du monde; et le Saint-Esprit est figuré par le feu. Si l’huile est sale, elle ne peut éclairer; si la mèche n’est pas propre, le feu n’a pas moyen de tirer cette huile. De même, le Saint-Esprit ne trouvant pas nos âmes bien préparées, ni nos corps purifiés, ne trouve point lieu de nous embraser de son divin Amour, et ne fait pas cette union avec Dieu dont je parle.
Comme des charbons propres à s’enflammer…
II m’a semblé que nous étions toutes comme des charbons propres à s’enflammer, et que la Sainte Communion était comme un feu tout propre à nous allumer; mais quand ces charbons ne sont allumés qu’à la superficie, si on vient à les écarter les uns des autres, ils s’éteignent facilement… au lieu que s’ils sont allumés jusque dans le centre, ils ne s’éteignent pas, mais se consument en eux-mêmes. Or, c’est écarter les charbons, après la Sainte Communion, que de se livrer à la dissipation, de s’entretenir dans ses humeurs naturelles, de s’occuper de ses aises et de ses commodités; en un mot, de s’occuper de toute autre chose que du bien qu’on a reçu et des obligations que notre état nous impose.
La parole de Dieu est une semence
La parole de Dieu est une semence; notre cœur est la terre où elle doit être semée, et c’est par les lectures et exhortations que cette divine semence est jetée dans notre cœur. Mais pour qu’elle y puisse germer et produire quelque fruit, il est nécessaire que cette terre soit échauffée par la grâce de Jésus-Christ qui est le vrai soleil de justice. Si nous opposons des obstacles aux ardeurs de ce divin soleil, la semence demeurera certainement inutile et sans fruit. Or, nos vices et nos passions sont souvent, pour ce divin soleil, des obstacles impénétrables.
Les uns y opposent comme une muraille haute et épaisse, que la lumière ni la chaleur ne pénètrent jamais; ce sont ceux qui refusent d’entendre la parole de Dieu, ou qui l’entendent sans y faire attention.
D’autres entendent la divine parole, et y réfléchissent quelquefois; mais ils conservent de fortes attaches à mille bagatelles qui partagent presque continuellement leur esprit et leur cœur. C’est comme si, dans le mur dont nous venons de parler, il y avait à la vérité quelques fenêtres ou ouvertures, mais qui seraient fermées comme avec des contrevents qu’on n’ouvrirait que rarement, et qui arrêtant ainsi toute l’ardeur du soleil, feraient que la terre ne pourrait encore rien produire.
D’autres, plus fidèles, mais encore bien imparfaits, écoutent et méditent la divine parole; mais c’est à travers plusieurs imperfections dont ils ne font aucun compte, et qu’ils se mettent peu en peine de corriger. Ceux-là ont ôté les contrevents des fenêtres de leur mur; mais ils y ont substitué des châssis et des vitres, à travers lesquels la chaleur et la lumière pénètrent à la vérité, mais dont l’impression est bien faible… en sorte que la semence ne peut produire qu’à peine des fleurs sans éclat, et des fruits sans saveur.
Mais ôtez tous ces différents obstacles, jetez la semence dans un cœur entièrement libre et dégagé, ouvert aux influences du soleil de justice… vous verrez bientôt naître en abondance, de cette semence, des fleurs vives, agréables, de bonne odeur, qui porteront leur fruit dans leur temps et feront voir qu’on a profité de la parole de Dieu.
Sainte Marguerite Bourgeoys (1620-1700)