Pendant que les manifestants déambulent dans les rues de Montréal et de Québec, casserole en main, le temps fait lui aussi son bout de chemin. En tournant la page du calendrier, le mois de juin m’a surpris. Déjà rendu là! Nous arrivons au milieu de l’année.
Pour moi, le mois de juin a des odeurs d’enfance. À l’époque – ce qui est fort loin maintenant ! – c’était le mois des rêves de vacances. Celles-ci arrivaient à la fête de saint Jean-Baptiste avec sa parade de chars allégoriques. Avant le vingt-quatre, nous échafaudions des plans. Nous nous promettions un été à nul autre pareil : des jeux dans le sable derrière la maison, des promenades le long de la rivière, des pique-nique aux jours de beau soleil, des cages pour les écureuils ou les grenouilles, etc. Tout cela se rêvait pendant les dernières semaines de classe.
Juin était aussi le mois des lilas et des tulipes. Du moins dans ma région natale. Là-bas, le mois de mai empruntait encore à l’hiver quelques nuits trop fraîches pour que les fleurs s’épanouissent. Mes parents avaient l’habitude de commencer leur jardin après la Saint-Jean. Les voisins, plus rapides, les trouvaient peureux. Mais mon père jubilait quand il récoltait jusque tard en automne alors que les autres avaient terminé leurs récoltes.
Le temps! Il accumule les mois et les années. D’une année à l’autre, chacun des mois reprend ses rites particuliers. Chacun a sa couleur personnelle, son histoire bien à lui. Il s’enrichit de nouvelles expériences. Il engrange des souvenirs.
Les mois s’ajoutent les uns aux autres. Notre jardin intérieur germe au fil des jours. Il se nourrit de ce quotidien fait de joies et de peines, de petits comme de grands bonheurs.
Et Dieu dans tout ça? Lui, l’Éternel, se faufile-t-il dans le temps? Les théologiens ont-ils raison de le faire vivre dans l’Instant sans durée? A-t-il la patience de nous accompagner jour après jour, mois après mois? A-t-il un calendrier semblable au nôtre? Est-ce qu’il prend le «temps» de humer les lilas de mes mois de juin? Fait-il provision de souvenirs?
Grand mystère que cet Éternel en qui je crois dans mes jours terrestres! Grand mystère que cet Éternel qui colore mon temps et lui donne du sens! J’aimerais le rencontrer en tournant les pages de mon calendrier.
Je prétends que Dieu est invisible et pourtant il laisse assez de traces dans mes mois et mes années pour que je reconnaisse sa présence.
Assez de traces, mais pas trop! S’il est trop évident, ce n’est plus lui. Si je l’affirme avec force, il fuit mes fausses certitudes. Vaut mieux le garder en forme de question! Le chercher et ne pas conclure trop vite que je l’ai trouvé. Me plonger dans mes mois et mes années, goûter le temps comme un don, l’enrichir de la rencontre de mes pairs : cette histoire au quotidien est le plus sûr chemin pour rencontrer Dieu. Dieu se laisse chercher au ras du sol. Il est plus terreux qu’on ne l’imagine. L’Éternel est probablement tout aussi temporel qu’éternel.