Quand ma première fille est née après deux garçons, j’ignorais la découverte que j’allais faire au sujet non seulement de l’éducation des enfants, mais de l’être humain en général. J’étais bien installée dans ma culture générationnelle et suite à mes études universitaires en éducation, j’arrivais avec de solides principes éducatifs, notamment sur la théorie des genres! Normal, la formation des maîtres de ces années fin ’80- début ‘90 était empreinte d’une idéologie simpliste des genres. Il y avait beaucoup de « il faut » et « il ne faut pas» sous-jacent à l’éducation des enfants. Ainsi, on croyait fermement que les genres découlaient d’un fait uniquement de culture.
Of course, ma fille n’allait pas porter beaucoup de vêtements roses, couleur sexiste. Ma fille serait entourée de jouets « dits » de garçons, mais aussi « dits » de fille, comme le furent mes fils avant elle. Il ne fallait quand même pas que ma fille ne développe pas ses capacités mathématiques comme la plupart des petites filles des décennies précédentes baignant dans les Barbies et les dînettes exclusivement!
Mes fils avaient eu quelques poupées qui furent royalement ignorées. Et j’avais remarqué que lorsque mes petits garçons croisaient un bébé en poussette, ils étaient extrêmement attirés à faire rouler ces engins sur roues.
Ce fut la surprise totale lorsque ma fille eut 10 mois et choisissait passionnément les poupées qui se présentaient devant elle parmi les jouets qui jonchaient son espace. Un de ses premiers mots fut « bébé ». Et dès qu’elle croisait une poussette, elle n’avait cure du mécanisme des roues, mais avec quelle passion voulait-elle embrasser le bébé qui s’y trouvait!
C’est à cette période que je constatai aussi que mon mari s’occupait différemment des enfants de moi. J’étais dans les soins, les câlins. Lui, dans les jeux et l’enthousiasme de les ouvrir sur le monde! Il les faisait sauter dans les airs, leur faisait faire l’avion, pendant que ma belle-mère et moi retenions notre souffle.
Je prenais conscience de jour en jour que mon mari était une terre de découverte, un monde inconnu, où je ne reconnaissais pas les paysages, même après cinq ans de mariage à cette époque. Pourquoi ne pouvait-il pas penser, parler, se comporter un peu plus… comme moi!
Sa façon d’aimer n’était pas du tout la même que moi! Et il ne s’agissait pas de culture, ç’aurait été plus simple! Quel univers biologique nous séparait! Nous séparait? Ou nous attirait indubitablement, car l’autre est ce mystère, cette terre jamais conquise, toujours nouvelle, même quand on croit en avoir fait le tour!
L’idée de la négation des genres est aujourd’hui présente jusque dans les manuels scolaires où l’on apprend aux enfants que leur sexualité biologique ne les définit pas en tant que garçon ou fille, qu’ils peuvent choisir le genre qui leur sied. Cela pourrait faire sourire si cette théorie n’était pas si tristement menaçante pour le couple. Car comment se préparer à vivre avec l’autre si l’on ne comprend pas la biologie qui le régit jusque dans son cerveau. Le couple hétérosexuel moderne a du souci à se faire s’il s’enracine dans la pensée de l’indifférenciation des sexes!
Il existe toutefois, il faut le concéder, un lieu où notre identité sexuelle s’efface totalement : dans la communion de la prière où nous ne sommes plus ni homme, ni femme et où l’on partage pleinement sur le plan de l’âme ! N’est-ce pas le début de ce royaume de Dieu où «l’on ne prend ni homme, ni femme »?
Mais en attendant ce paradis (où mon mari pourra enfin penser un peu plus comme moi !!!) Soyons attentifs à vivre dans la reconnaissance de la différence de l’autre, qui est aussi là pour me décentrer de moi-même. Il me permet de grandir intérieurement en me faisant comprendre que l’on peut voir la vie, l’amour, les enfants, les activités, le matériel avec non pas vraiment un regard si différent, mais un point de vue autre, puisque celui qui partage ma vie est en face de moi , ou à côté, mais jamais, jamais à ma place…