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Responsable de la chronique : Gilles Leblanc
Cinéma d'aujourd'hui

Tant qu’il y a de la vie… : TOUTES NOS ENVIES et ROMÉO ONZE

Imprimer Par Gilles Leblanc

À un moment ou l’autre de l’existence, la maladie frappe durement, fatalement dans bien des cas. Deux films récents montrent le courage et la force de vie qui animent des personnes à la santé déficiente. Dans ROMÉO ONZE, le réalisateur Ivan Grbovic illustre la détermination d’un jeune atteint d’atrophie musculaire. Pour sa part, Philippe Lioret, réalisateur de TOUTES NOS ENVIES, dépeint l’engagement d’une mère de famille, atteinte d’un cancer incurable, pour la défense des personnes aux prises avec les compagnies de crédit.

TOUTES NOS ENVIES

Avec sa grâce coutumière, Philippe Lioret (JE VAIS BIEN NE T’EN FAIS PAS, WELCOME) raconte dans son film le dernier sursaut de vie d’une femme éprise de justice, campée par une Marie Gillain au sommet de son art, aux côtés d’un Vincent Lindon tout aussi puissant et crédible en collègue désabusé qui reprend vie à son contact.

Apprenant qu’elle est atteinte d’une tumeur inopérable au cerveau qui la condamne à brève échéance, Claire, juge au tribunal de Lyon et mère d’une petite famille nouvellement établie en banlieue, prend la décision de ne rien dire. Plutôt, la jeune femme redouble d’ardeur dans sa volonté de défendre les intérêts des gagne-petit, abusés par les compagnies de crédit, puis traînés par elles devant son tribunal. C’est le cas de Céline, une mère célibataire étranglée par les dettes envers qui Claire affiche un parti-pris favorable qui la compromet.

Forcée de se retirer du dossier, la jeune femme sujette aux malaises et aux étourdissements fait appel à Stéphane, un confrère plus âgé, qui partage son indignation mais n’a plus l’énergie pour se battre. L’amitié complice qui naît entre eux, soudée par une décision grisante prise par Stéphane en faveur de Céline, donne soudain à croire qu’ils ont percé une brèche dans le système. Il faut continuer le travail, mais l’état de santé de Claire se détériore rapidement, et Stéphane est le seul à avoir été mis dans le secret.

L’intrigue à deux volets (médical et juridique) avance à coups de développements subliminaux, qui mettent avant tout en valeur le cheminement intérieur des personnages à l’heure des choix: de se battre contre le système, de céder devant la mort, dans les deux cas à l’«avantage» d’une infortunée très bien défendue par Amandine Dewasmes (L’ARNACOEUR). En raison de la puissance de ce trio au cœur du scénario articulé par une mise en scène discrète, le personnage du mari, ainsi que certains autres, plus périphériques, semblent moins bien définis. Par ailleurs, le message social apparaît parfois appuyé, et l’enjeu juridique, traité avec un réalisme opiniâtre, subit trop de soubresauts pour garder le spectateur en haleine. Inversement, l’enjeu médical, et le secret qui l’entoure, ont plus d’impact.

ROMÉO ONZE

Le grand intérêt de ROMÉO ONZE, récit initiatique au sens littéraire du terme, réside dans la nature profonde de son protagoniste, un être blessé, timide et silencieux qui inspire au spectateur une sympathie immédiate. Plus qu’un parti pris cosmétique, le choix de camper l’intrigue dans la communauté libanaise montréalaise, chrétienne maronite de surcroît, donne lieu à une série d’observations fines.

Affligé d’une atrophie musculaire aux jambes, Rami claudique. Complexé, désireux d’échapper au destin tracé par son étouffante famille d’immigrants libanais, le jeune homme sèche les cours au cégep et passe ses journées à errer. Il s’est aussi inventé dans Internet un avatar, Romeo Onze, qui en mène large et voyage de par le monde. Lorsque par ce biais il attire l’attention d’une fille de rêve, Rami hésite à la rencontrer, craignant qu’elle ne le rejette une fois découvert le mensonge de son identité.

Alors que son père autoritaire mais bien intentionné augmente la pression dans l’espoir qu’il reprenne un jour les rênes du restaurant familial, Rami décide de jouer le tout pour le tout. Dilapidant ses économies, il invite la belle inconnue à le retrouver au restaurant d’un grand hôtel de Montréal, où il a retenu une luxueuse suite.

Sobrement classique, indéniablement réfléchie, la mise en scène du nouveau venu Ivan Grbovic révèle un œil attentif non seulement aux visages de ses interprètes, mais à l’architecture de Montréal, filmée sous un jour inédit. Ali Ammar, un non-professionnel ayant suivi un parcours similaire à celui du héros, porte le film sur ses épaules. Non seulement est-il juste, mais il est bouleversant, à l’instar du film.

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