Née à Foligno en Ombrie (+1310), dans une famille riche, elle est mariée toute jeune par ses parents et elle connaît alors une vie mondaine et frivole qui lui fait abandonner la pratique des sacrements. Subitement convertie, elle voudrait bien se confesser, mais elle n’ose avouer toutes ses fautes au confesseur. Elle s’en va communier et reste tourmentée par cette communion sacrilège. C’est à ce moment-là qu’elle reçoit la vision de saint François d’Assise, mort vingt ans avant sa propre naissance. Elle multiplie alors les austérités, médite de longues heures, distribue aux pauvres ce qu’elle possède et passe pour folle aux yeux des siens. Et puis, elle perd coup sur coup, sa mère, son époux, ses fils. Elle se livre alors à la pauvreté absolue. Des visions du Christ crucifié lui font atteindre les sommets de la mystique dans des crises violentes qui effraient ses amis. Les Frères Mineurs, disciples de saint François, se méfient d’elle d’autant qu’elle prend part aux controverses qui opposent, dans l’Ordre, les partisans d’une pauvreté mitigée et ceux d’une application stricte de l’idéal franciscain primitif. Les dernières années de sa vie seront plus paisibles, favorisées de grâces extraordinaires. “Elle semblait jouir du bonheur céleste.”
Un jour, je regardais la croix, et sur elle le, Crucifié ; je le voyais avec les yeux du corps. Tout à coup mon âme fut embrasée d’une telle ardeur, que la joie et le plaisir pénétrèrent tous mes membres intimement. Je voyais et je sentais Je Christ embrasser mon âme avec ce bras qui fut crucifié, et ma joie m’étonna; car elle sortait de mes habitudes, et, au degré qu’elle atteignit, je ne la connaissais pas encore. Depuis cet instant, il me reste une joie et une lumière sublime dans laquelle mon âme voit le secret de notre chair en communion avec Dieu, Cette délectation de l’âme est inénarrable ; cette joie est continuelle ; cette illustration est éblouissante au delà de tous mes éblouissements. Depuis cet instant, il m’est resté une telle certitude, une telle sécurité quant aux opérations divines qui se font en moi, que je m’étonne d’avoir autrefois connu le doute, et (145) si tous les mondes créés prenaient une voix pour essayer de le faire renaître, ils parleraient’ inutilement ; car je vois, dans’ les transports d’un plaisir qui ne se raconte pas, je vois cette main qu’il, m’a montrée avec la marque des clous, et qu’il montrera le jour où il dira : « Voilà ce que j’ai souffert pour vous.»
Maintenant encore, quand je suis dans cette vision et dans cet embrassement, une telle joie est communiquée à mon âme, que j’essaierais inutilement de souffrir des souffrances de Jésus ; cependant je vois sa main et la plaie de sa main. Toute ma joie est désormais dans ce Dieu crucifié. Quelquefois l’embrassement est si serré qu’il semble à mon âme qu’elle entre dans la plaie du côté. Elle y est illustrée par des joies dont la parole humaine n’a pas le droit d’approcher. Foudroyante joie, qui enlève à mes jambes la force de me porter, qui me jette à terre, qui me renverse, qui m’étend là, couchée et sans parole ! Ceci m’arriva une fois sur la place Sainte-Marie. On représentait la Passion ! on aurait pu croire que j’allais pleurer. Je fus touchée et inondée d’une joie qui n’était pas naturelle ; la joie grandit, elle grandit ; je perdis la parole, et je tombai à terre, foudroyée : je venais d’avoir la chose inénarrable, l’éblouissement de gloire. (146)
J’avais eu soin de m’écarter de ceux qui m’entouraient, étonnée moi-même de ma joie en face de la Passion. Alors je perdis l’usage de mes membres, je tombai à terre, sans parole, foudroyée. Et il me sembla que mon âme entrait dans la plaie du Christ, la plaie du côté. Et dans cette plaie, au lieu de la douleur, je buvais une joie dont il m’est impossible de dire un seul mot. (147)