Tournez-vous vers moi et vous serez sauvés !
De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé,
afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle.
Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne veut pas croire est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
Et le Jugement, le voici : quand la lumière est venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises.
En effet, tout homme qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne lui soient reprochées ;
mais celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses œuvres soient reconnues comme des œuvres de Dieu. »
COMMENTAIRE
Au centre du passage de l’évangile de ce 4e dimanche de carême, il y a cette affirmation fondamentale : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi, tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé ». Voilà qui nous rappelle avant tout que nous croyons en un Dieu bon, qui a fait le monde par amour comme il est répété plusieurs fois dans le premier chapitre du livre de la Genèse : « et Dieu vit que cela était bon ! » Il a tant aimé ce monde créé par lui, qu’il a voulu le sauver à tout prix, par amour de nous tous. Il a envoyé son Fils afin que par lui nous puissions avoir la vie éternelle.
Oui, nous croyons en un Dieu bon qui nous aime, qui est « riche en miséricorde », selon la belle formule de l’épître aux Éphésiens (Ep 2,4), et qui « à cause du grand amour dont il nous a aimés nous a faits revivre avec le Christ » (Ep 2,5). Ainsi, alors que nous étions, pourrait-on dire, « condamnés à mort » à cause de nos péchés qui nous séparaient de ce Dieu de bonté et de sainteté, cela ne l’a pas empêché de venir à notre recherche et de nous tendre la main par son Fils. Avec le Christ, Dieu vient nous libérer ! Dieu exerce sans limitation son droit de grâce, contrairement à ce qui se passe si souvent aux États-Unis, en Chine ou ailleurs. Car Dieu sauve les hommes en leur faisant grâce, en les graciant ! Notre Dieu qui est riche en grâce et en miséricorde a le projet de sauver tous les hommes dont la situation ressemble tellement à celle de tous les condamnés à mort de la terre !
Quel immense mystère que celui de la bonté de Dieu ! Pour le comprendre, Jésus prend dans l’évangile l’image du serpent de bronze que Moïse éleva au désert : tous ceux qui avaient été mordu mortellement étaient sauvés en se tournant vers le serpent. Nous avons ici une préfiguration de la Croix du Christ : c’est vers lui que nous nous tournons avec foi pour implorer qu’il nous sauve et nous donne la vie. N’est-ce pas la raison véritable qui est à l’origine de cette vénérable tradition de placer en hauteur dans nos maisons, principalement sur les murs de nos chambres à coucher, des crucifix pour que nous puissions tourner vers le Christ nos regards, quand nous sommes malades, agonisants, mourants. Dans les salles de malades des premiers hôtels-Dieu, ancêtres de nos hôpitaux, il y avait toujours une grande croix pour que tous ceux qui souffrent puissent tourner leurs regards vers Jésus. Ainsi, le très célèbre retable du musée d’Unterlinden à Colmar (Alsace), au centre duquel se trouve une impressionnante crucifixion de Jésus, fut peint au 16e siècle par Matthias Grünewald pour la salle des malades du monastère des Antonins d’Issenheim où se rassemblaient tous les pèlerins atteints du « mal des ardents », appelé aussi « feu de saint Antoine ».
Aujourd’hui, on ne comprend plus du tout le sens de tous ces crucifix qui furent jadis placés jusque dans les lieux publics, au carrefour des routes de nos campagnes et dans les salles de classes des écoles. Ils sont perçus comme des signes d’une volonté de prosélytisme du christianisme alors qu’ils ne sont que le rappel du signe du serpent au désert : « Tournez-vous vers moi et vous serez sauvés ! » dit le Seigneur dans le livre du prophète Isaïe (Is 45,22).
En effet, la croix de Jésus nous rappelle le grand message qui anime tout le Nouveau Testament : « c’est bien par grâce que vous êtes sauvés, à cause de votre foi qui est un don de Dieu » (Ep 2,8). Jésus nous apprend que Dieu ne nous demande qu’une seule chose en réponse à la grâce qu’il nous offre : c’est d’être bons nous aussi comme lui dans notre manière d’agir et de vivre. Le cœur du message de Jésus ne réside-t-il pas dans le commandement de l’amour ? Alors essayons de le mettre vraiment en pratique pendant ce temps du carême. Essayons chaque jour d’aimer le Seigneur qui est tellement bon pour nous et essayons de nous aimer mieux les uns les autres puisque nous sommes tellement aimés par le « Bon Dieu ». Si nous en doutons, ce qui est un jour ou l’autre toujours possible, levons simplement les yeux vers Celui qui, élevé sur la Croix, s’est montré notre Sauveur et notre Ami. Alors nous apprendrons à aimer, c’est-à-dire à ne pas vivre pour nous-mêmes mais pour ce Dieu immensément bon qui nous a tant aimés et aussi pour les autres, même s’ils nous causent des soucis ou nous font du mal. Nous apprendrons que le secret de la vie chrétienne consiste à vivre tout simplement au gré de la grâce, de la bonté et de la miséricorde de ce Dieu qui « a envoyé son Fils dans le monde non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. »
Frère François-Dominique CHARLES, o.p.