Quel est l’enseignement que Jésus donne avec autorité ?
Jésus, accompagné de ses disciples, arrive à Capharnaüm. Aussitôt, le jour du sabbat, il se rendit à la synagogue, et là, il enseignait.
On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes.
Or, il y avait dans leur synagogue un homme tourmenté par un esprit mauvais, qui se mit à crier :
« Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais fort bien qui tu es : le Saint, le Saint de Dieu. »
Jésus l’interpella vivement : « Silence ! Sors de cet homme. »
L’esprit mauvais le secoua avec violence et sortit de lui en poussant un grand cri.
Saisis de frayeur, tous s’interrogeaient : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! Il commande même aux esprits mauvais, et ils lui obéissent. »
Dès lors, sa renommée se répandit dans toute la région de la Galilée.
Commentaire
Jésus venait de Nazareth. Il est passé le long de la mer de Galilée où il a appelé des pécheurs qui lançaient leurs filets. Laissant tout, ils l’ont suivi. C’est avec eux qu’il entre aujourd’hui à Capharnaüm. Marc nous présente Jésus comme un homme qui ne cesse de se déplacer, entraînant dans sa marche tous ceux qu’il a appelés sur sa route et qui se sont mis à le suivre dans sa marche. Voici qu’il entre dans la synagogue. Les quatre pécheurs du lac sont là, silencieux : ils sont frappés par la nouveauté de l’enseignement de Jésus.
Quel était donc cet enseignement ? Aucun discours de Jésus n’est rapporté ici par saint Marc. Les pécheurs constatent simplement que Jésus enseigne avec autorité. Marc ne nous rapporte rien du contenu de ce que Jésus enseigne. Il ne veut pas que nous nous trompions d’intérêt. L’important n’est donc pas à chercher d’abord dans le contenu des paroles de Jésus, dans ses mots, dans ses conseils, dans ses commentaires de la Loi de Moïse et des prophètes ou dans sa sagesse. La nouveauté à saisir se situe dans l’autorité de sa parole. C’est de cette nouveauté là dont Marc veut nous faire les témoins, de la nouveauté d’une parole qui agit et guérit.
Il nous provoque à découvrir avec foi l’extraordinaire puissance de salut qui réside dans cet homme de Nazareth qui se révèle capable de libérer les hommes des puissances obscures du mal. Pour saint Marc, ce qui est vraiment le plus important, c’est de découvrir que la seule présence de Jésus renverse et expulse toutes ces forces du mal qui emprisonnent, rendent malade, tuent, déshumanisent, anéantissent, avilissent les hommes. Jésus est, comme le dit fort justement l’esprit mauvais, « le Saint de Dieu » et il est venu pour menacer et expulser les puissances du mal afin de libérer les pécheurs qui ressemblent tellement à cet homme, manipulé par une puissance intérieure dont il est devenu esclave et qui le secoue avec violence.
Nous reconnaissons-nous dans les disciples silencieux, dont Marc ne va cesser de souligner leurs hésitations à croire et leurs résistances à comprendre, mais que Jésus va conduire progressivement jusqu’à la découverte que son enseignement par excellence est donné avec autorité dans le silence du Golgotha. Au matin de Pâque, leur étonnement sera immense, comprenant alors qu’en Jésus ressuscité, le Saint a vaincu définitivement les puissances de mort.
Paul cite très rarement dans ses lettres des paroles prononcées par Jésus. Pour lui, plus que de scruter les enseignements de Jésus, il s’agit de vivre du mystère même du Christ. La foi de tout croyant repose sur la découverte de cette extraordinaire puissance de salut qui vient du Christ qui est à l’œuvre dans sa vie. C’est cela seulement qui peut le conduire à demeurer « attaché au Seigneur sans partage » (2e lecture). « Ma vie, c’est le Christ » écrit Paul (Ph 1,21), et il précise plus loin (Ph 3,10) que son seul but est de « connaître le Christ et la puissance de sa résurrection ». Aux Galates, il écrit : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. Ma vie présente, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi. » (Ga 2,20). Plus que ses enseignements, Paul a décidé surtout de suivre ce Christ mort et ressuscité qu’il a rencontré un jour sur la route de Damas.
Aujourd’hui où se perfectionnent et se multiplient les moyens de diffusion des paroles, écrites ou orales, sans distinctions, souvent hors contextes, nous sommes dans un univers marqué par l’inflation des mots et des discours. Pourtant, nos sociétés se trouvent paradoxalement en quête de sens et de valeurs. Il est plus qu’urgent que surgissent de nos Églises des hommes et des femmes dont la vie annonce cette puissance de résurrection du Christ qui est seule capable de pacifier en profondeur et de transformer nos vies : c’est cela, l’enseignement de Jésus donné avec autorité.
La synagogue de Capharnaüm, au sein de laquelle est donné cet enseignement de Jésus, c’est tout autant le monde que l’Église. Et l’homme possédé d’un esprit impur qui se trouve au milieu et que Jésus libère, c’est chacun de nous et c’est toute personne en quête de vie véritable. La force de l’Évangile réside dans le fait que la puissance de Dieu se déploie sans résistance dans la vie de Jésus et qu’elle est à l’œuvre en chaque croyant qui se laisse toucher par elle. C’est pour cela que Jésus a donné sa vie : pour que nous vivions vraiment (cf. 1Th 5,10 ; Rm 6,4). Que notre foi en Celui qui est mort pour nous ne cesse de s’affermir pour que sa puissance de vie agisse dans nos vies trop blessées par la souffrance et détruites par le péché. C’est la seule manière pour que la Bonne Nouvelle puisse se répandre partout autour de nous.
Frère François-Dominique CHARLES, o.p.