1 Cantique des montées.
Allons ! bénissez Yahvé,
tous les serviteurs de Yahvé,
officiant dans la maison de Yahvé,
dans les parvis de la maison de notre Dieu.
Dans les nuits 2 levez vos mains vers le sanctuaire,
et bénissez Yahvé.
3 Que Yahvé te bénisse de Sion,
lui qui fit le ciel et la terre !
(Bible de Jérusalem)
Le Psaume 134 a plusieurs similitudes avec le Psaume 133. D’abord, ils ne s’adressent pas à Dieu, mais à d’autres personnes. Ensuite, les deux psaumes commencent (dans la traduction de la Bible de Jérusalem) par un impératif « Voyez ! » et « Allons ! ». Enfin, les deux psaumes se terminent par des bénédictions divines.
Comme le Ps 150, le Ps 134 est un psaume qui invite à prier Dieu, sans jamais en expliquer les raisons. Alors que le Ps 150 est le dernier psaume du Psautier, le Ps 134 est le dernier des « cantiques des montées » (Ps 120-134), ces psaumes que les pèlerins chantaient en montant vers Jérusalem. Les cantiques des montées commencent au Ps 120 par indiquer la difficulté de vivre en terre étrangère (Ps 120,5 « malheur à moi de vivre en Méshek, d’habiter les tentes de Qédar ! »), suit alors un mouvement, dès le Ps 122, vers Jérusalem.
Nous pouvons comprendre que l’invitation à bénir et à prier Dieu que nous trouvons dans ce psaume 134 vient clôturer l’ensemble des psaumes 120-133 et que les raisons pour lesquelles il faut prier se trouvent dans les quatorze psaumes qui précèdent. Nous sommes sans doute le soir, à la fin du pèlerinage, et il est temps pour les pèlerins de quitter Sion pour regagner leur maison, ils se sont rappelés juste avant combien « il est doux d’habiter en frères tous ensemble » (cf. Ps 133) le temps d’un pèlerinage à Jérusalem. Avant d’aller se reposer pour la nuit, parce qu’ils vont partir tôt le lendemain retrouver leur vie quotidienne dans leurs villes et dans leurs villages, ils demandent aux prêtres de bénir le Seigneur durant la nuit qui va commencer.
Le Psaume 134 comprend deux parties. Dans les vv. 1-2 nous avons une demande aux serviteurs de Yahvé de le bénir avec trois impératifs au pluriel. Le premier et le troisième des impératifs, qui sont identiques, « bénissez », forment un encadrement aux vv. 1-2. Dans le v. 3, Yahvé est le sujet et nous trouvons une formule de bénédiction pour une seule personne.
Dans la première partie, Yahvé est l’objet des actions humaines (« bénissez Yahvé ») ; dans la deuxième partie, l’homme est l’objet de la bénédiction divine (« que Yahvé te bénisse »).
Enfin, nous pouvons noter qu’il s’agit d’un psaume centré sur Dieu puisque le mot « Yahvé » (en hébreu les quatre lettres du tétragramme YHWH) se retrouve à cinq reprises en seulement trois versets.
Nous pouvons comprendre le psaume ainsi : dans les vv. 1-2, la communauté des Israélites, rassemblée dans le Temple de Jérusalem, demande aux prêtres, les serviteurs de Yahvé, de prier Dieu pour eux et au v. 3 les prêtres répondent par une formule de bénédiction.
v. 1 : Tout le stique « dans les parvis de la maison de notre Dieu » se trouve dans la traduction grecque du Psaume, mais pas dans le texte hébreu. En fait, on reprend ici un stique de Ps 135,2. Habituellement, « les parvis de la maison de notre Dieu » est le lieu où se trouve le peuple, les laïcs par opposition à « la maison de Yahvé » qui est le lieu où se trouvent les prêtres dans le Temple de Dieu.
Ce sont les « serviteurs de Yahvé » qui sont appelés à bénir Dieu, en général, cette expression sert à désigner les Israélites qui se tiennent debout devant Dieu dans le Temple à Jérusalem. Nous pouvons aussi comprendre que nous sommes ici à la fin d’un pèlerinage. Les pèlerins, qui sont venus de toute la Terre sainte pour monter à Jérusalem, vont retourner chez eux et ils chargent les ministres du Temple de Jérusalem de prier pour eux.
Mais nous pouvons aussi comprendre que les gens qui viennent au Temple de Jérusalem dans la journée demandent aux prêtres et aux lévites de prier pour eux au cours de la nuit.
Les serviteurs de Yahvé officient dans la maison de Yahvé, c’est-à-dire le Temple, littéralement ils se tiennent debout, comme des serviteurs qui sont prêts à rendre un service à leur maître. Cela indique leur entière disponibilité envers Yahvé.
On peut comprendre l’expression « dans les nuits » comme voulant signifier « dans les heures de la nuit ». Cette louange a lieu de nuit, nous pouvons imaginer que des membres du personnel cultuel du Temple restent la nuit pour prier.
v. 2 : Quand on prie, on aime à utiliser tout son corps car la prière n’est pas qu’une activité intellectuelle. On peut se mettre à genoux en signe de reconnaissance de la grandeur divine, on peut aussi rester debout et lever les bras vers le ciel (cf. Ps 28,2 : « Écoute la voix de ma prière quand je crie vers toi, quand j’élève les mains, vers ton saint des saints. ». Il suffit de penser ici aux prières charismatiques, catholiques et protestantes, où l’on retrouve ce geste si naturel de la prière (ce n’est d’ailleurs pas étonnant si ce psaume a été repris comme chant dans les groupes de prière charismatiques).
Les serviteurs de Dieu ne lèvent pas les mains vers n’importe où, ils les lèvent vers le sanctuaire. Ils sont debout dans le Temple de Jérusalem, c’est-à-dire dans le lieu que Dieu a choisi pour demeurer au milieu de son peuple Israël, mais ce sanctuaire terrestre n’est que la pâle copie du sanctuaire céleste, du Ciel, du lieu où habite vraiment le Seigneur, créateur du ciel et de la terre.
Par certains côtés, Ps 134,1-2 est très proche de Ps 135,1-3. Toutefois, nous devons remarquer que Ps 134,1-2 emploie le verbe « bénissez » qui convient très bien pour des prêtres alors que Ps 135,1.3 utilise le verbe « louez » qui irait mieux pour les chantres du Temple.
v. 3 : dans ce verset 3, on est passé d’une deuxième personne du pluriel à une deuxième personne du singulier. Alors que dans plusieurs des psaumes des Cantiques des montées, on va du singulier au pluriel, d’un individu au peuple, ici dans le Ps 134 nous avons l’inverse d’un pluriel vers un singulier, des serviteurs de Yahvé vers un individu.
Au début du psaume, les serviteurs de Yahvé sont invités à le bénir, et à la fin, c’est Yahvé qui est « invité », dans une demande de bénédiction, à bénir celui qui dit le psaume. Les premiers mots correspondent à la bénédiction sacerdotale de Nb 6,24 « Que Yahvé te bénisse et te garde ! ».
La bénédiction est conférée depuis Sion, c’est-à-dire Jérusalem, la ville où se trouve le Temple que Yahvé a choisi pour demeurer au milieu de son peuple. Les deux psaumes précédents, les psaumes 132 et 133, ont fait mention de Sion : Ps 132,13 « Car Yahvé a fait choix de Sion, il a désiré ce siège pour lui » et Ps 133,3 « C’est la rosée de l’Hermon, qui descend sur les hauteurs de Sion ; là, Yahvé a voulu la bénédiction ».
Soit c’est un prêtre qui dit cela, mais on ne comprend pas très bien pourquoi il demande à des « professionnels » de la prière de prier auparavant pour lui ; soit on doit comprendre que c’est tout le peuple d’Israël qui est un peuple de prêtres, un peuple sacerdotal. Ou bien encore, nous devons comprendre que les serviteurs de Yahvé, à qui on a demandé aux vv. 1-2 de bénir Yahvé, répondent dans ce v. 3 à l’auteur de cette demande. Nous aurions donc comme un dialogue.
Au début du psaume, les serviteurs de Yahvé sont invités à bénir Dieu et à la fin du psaume celui qui est à l’origine de cet appel reçoit, par l’intermédiaire des ministres de Yahvé, la bénédiction divine.
Dans les versets 1 et 2, on parlait du ciel et de la terre. Les serviteurs de Yahvé sont sur terre, dans le sanctuaire terrestre de Dieu ; et ils lèvent les mains vers le ciel, vers le sanctuaire céleste. La bénédiction du v. 3 est faite par Yahvé qui est au ciel, depuis Sion qui est sur terre. Enfin, le ciel et la terre sont réunis dans la dernière formule qui affirme que Yahvé « fit le ciel et la terre ». Cette formule qui fait référence à Dieu comme le Créateur se retrouve aussi à la fin du Ps 124 (Ps 124,8 « notre secours est dans le nom de Yahvé qui a fait le ciel et la terre »). On la retrouve aussi dans un autre psaume des Cantiques des montées en Ps 121,2 « le secours me vient de Yahvé qui a fait le ciel et la terre ».
Nous pouvons dire que le v. 3 développe en même temps une théologie de Sion et une théologie de la Création. Le Dieu qui a fait choix de Sion pour y demeurer est le Dieu qui a créé le ciel et la terre. S’il est d’abord le Dieu du peuple d’Israël, un jour ce sont tous les peuples qui seront appelés à monter à Jérusalem pour adorer le Dieu vivant et vrai.