Chacun porte sa croix disait ma mère! Je l’ai entendu dire cela toute mon enfance, et il faut dire qu’elle savait de quoi elle parlait! La vie n’a pas été tendre avec elle, mais toujours dignement, elle a fait face! Et chaque matin elle se lève encore aujourd’hui en affirmant qu’elle aime la vie. C’est là un beau témoignage pour son entourage, car quand on connaît ce qu’elle a traversé, on se rend compte que cet amour de la vie s’appuie sur une profondeur où seul Dieu peut résider!
Il est loin ce temps où les chrétiens recherchaient des croix pour mettre leur foi à l’épreuve. Heureusement que cette quête de la douleur ne fait plus partie du paysage comme ce fut le cas au XIXe siècle. Nous n’avons pas besoin de chercher la croix, nous y sommes confrontés sans même la demander. Mais ne sommes-nous pas tombés dans un excès inverse du XIXe siècle, soit la fuite devant les épreuves?
Notre temps en est un d’hédonisme. Nous recherchons le bonheur avec excès et fuyons devant toute douleur. Peut-être peut-on expliquer en partie la désertion de l’Église en ce XXIe siècle car le scandale de la croix ne peut s’accepter! Nous avons atteint un tel niveau de confort qui va de l’aspirateur-robot qui ramasse la poussière seul comme un grand à la tablette tactile qui ne quitte plus son possesseur pour le tenir informé à chaque instant. Souffrir semble devenu un contresens.
Évidemment, toute souffrance que nous pouvons éviter, il est normal de le faire, ne serait-ce que du point de vue médical. Mais pouvons-nous éluder toute croix? Parfois pour grandir, pour mûrir, il nous faut porter notre croix…
Les épreuves parcourent notre vie. Cela passe par la douloureuse perte d’un être cher au banal bris du chauffe-eau! Une épreuve, nous dit le dictionnaire, est un événement douloureux, c’est aussi un test qui permet de juger de la valeur. Dans ses synonymes on compte adversité, apprentissage. La sagesse populaire, si on en réfère aux contes de fées, voyait dans l’épreuve un philtre qui permettait de purifier, voire de mesurer un héros.
Le taux de divorce oscille entre 47 et 54 % bon an, mal an depuis 1987. Il existe des situations malheureusement ingérables où la seule voie semble être la distance entre les époux. Mais dans d’autres cas, se pourrait-il qu’il s’agisse d’une démission, d’un repli, d’une fuite devant la difficulté? Nous rêvons tous d’une vie sans cahot. Même Jésus a eu cette tentation de voir la coupe passer loin de ses lèvres. Mais Il l’a bue. Sans elle pas de résurrection.
Dans notre vie conjugale, ayons aussi la force de boire la coupe. Nietzsche disait ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Combien de fois nous sommes-nous sentis ressortir plus fort suite à une épreuve traversée ensemble mon mari et moi. L’amour mystérieusement s’en trouve vivifié. Le proverbe dit que pour bien se connaître il faut avoir mangé ensemble un sac de sel. À nos cuillères donc, messieurs, dames!