À l’époque de l’ancienne Yougoslavie, un ministre du gouvernement communiste avait osé déclarer : «L’athéisme est une affaire dépassée. On ne pourra jamais détruire l’Église non pas parce que les prêtres sont forts mais parce que la croyance est un sentiment profondément ancré dans la nature humaine.»
Pendant ce temps, dans le Québec très marqué par le catholicisme, des baptisés, possédant une formation religieuse poussée, affirmaient : «Dieu me laisse indifférent. Qu’il existe ou non, peu m’importe. La foi peut faire vivre ma grand-mère; tant mieux pour elle. Personnellement, la religion me laisse froid.»
Paradoxe étonnant. Paradoxe qui parcourt l’histoire de l’humanité depuis longtemps. Aux premières pages de l’évangile de Matthieu, le récit de la visite des mages à la crèche nous le met en évidence (Cf. Matthieu, 2, 1-12).
D’un côté, des mages, des savants qui scrutent l’univers pour le comprendre, des astrologues qui mélangent les suppositions théoriques et les preuves scientifiques. Ils viennent d’ailleurs; ils sont des étrangers peu familiers de la société et de la culture juives, des païens bien loin de la religion d’Israël.
De l’autre côté, des chefs des prêtres et des scribes plongés dans la Bible jour après jour, qui connaissent par cœur les signes qui vont accompagner la venue du messie attendu depuis de nombreux siècles, des croyants qui espèrent un sauveur.
Les visiteurs croient : «Où est le Roi des Juifs qui vient de naître? Nous avons vu son astre à l’Orient et nous sommes venus lui rendre hommage.»
Les gens du pays, les croyants refusent de croire. Ils manquent de flair. Ou plutôt, ils enferment les signes dans les rouleaux du livre. La tête basse, ils ne remarquent pas la vie qui bat au rythme de Dieu. Les gestes étonnants de Dieu dans leur histoire leur sont devenus banals. Et ils passent à côté sans s’en rendre compte.
L’habitude peut gagner le croyant. Et l’habitude est la pire ennemie de la foi. Elle confine les signes de Dieu au rang de la banalité. L’extraordinaire devient moins que l’ordinaire. Le temps se couvre de grisaille. L’ennui endort.
Les évangiles placent souvent dans la bouche de Jésus le verbe «veiller». Dieu se présente souvent en forme de surprise, dans l’inattendu. Et seuls les regards qui s’étonnent et qui veillent le perçoivent.
Une foi qui s’étonne, une foi sur le qui-vive, une foi qui veille. Une foi à la manière des mages. Comme si c’était la première fois.