Même si nous décevons Dieu, il ne se décourage jamais !
Jésus disait aux chefs des prêtres et aux pharisiens : « Écoutez cette parabole : Un homme était propriétaire d’un domaine ; il planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et y bâtit une tour de garde. Puis il la donna en fermage à des vignerons, et partit en voyage
Quand arriva le moment de la vendange, il envoya ses serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de la vigne.
Mais les vignerons se saisirent des serviteurs, frappèrent l’un, tuèrent l’autre, lapidèrent le troisième.
De nouveau, le propriétaire envoya d’autres serviteurs plus nombreux que les premiers ; mais ils furent traités de la même façon.
Finalement, il leur envoya son fils, en se disant : ‘Ils respecteront mon fils. ‘
Mais, voyant le fils, les vignerons se dirent entre eux : ‘Voici l’héritier : allons-y ! tuons-le, nous aurons l’héritage ! ‘
Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent.
Eh bien, quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? »
On lui répond : « Ces misérables, il les fera périr misérablement. Il donnera la vigne en fermage à d’autres vignerons, qui en remettront le produit en temps voulu. »
Jésus leur dit : « N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire. C’est là l’œuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux !
Aussi, je vous le dis : Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à un peuple qui lui fera produire son fruit.
COMMENTAIRE
Il est normal qu’un vigneron soigne bien sa vigne car il veut récolter de l’excellent raisin afin de produire du très bon vin. Si la vigne produit du mauvais raisin, il est très déçu. Dans la parabole de l’évangile, Dieu est ce propriétaire de la vigne qui attend de bons raisins. Ce qui apparaît clair, dans la parabole de Jésus comme dans le passage du livre d’Isaïe (1ère lecture), c’est que Dieu est déçu.
Dans les livres des prophètes, la vigne est presque toujours une image du peuple de Dieu. Dans le passage d’Isaïe, Dieu semble déçu par son peuple qui ne donne pas ce qu’il en attend. Dans la parabole de Jésus, ce sont les vignerons qui déçoivent le propriétaire parce qu’ils veulent exploiter la vigne pour leur propre profit : ce sont donc les responsables du peuple qui sont visés ; si Dieu est déçu en raison de leur comportement, il ne se décourage pas ; il a pour seul but que sa vigne produise du bon raisin.
Dans le passage du prophète Isaïe, la déception de Dieu est grande. Il a pris soin de son peuple comme un bon vigneron prend soin de sa vigne. Il espérait qu’Israël lui répondrait positivement et écouterait sa voix, mais il n’en fut rien. Au lieu de porter du bon fruit, la vigne a produit du raisin sauvage incapable de servir à produire du bon vin. Le texte d’Isaïe dit que Dieu attendait de sa vigne de beaux raisins, mais elle en donne de mauvais ; qu’il en attendait le droit, et voici l’iniquité ; qu’il en attendait la justice, et voici les cris de détresse.
On ne comprend bien le sens de ce passage qu’en se souvenant que la vigne est dans la Bible une image du peuple de Dieu ; Dieu est le propriétaire de la vigne et les bons fruits qu’il en attend, ce sont les actions concrètes qui correspondent à la pratique de la Loi donnée au Sinaï : fidélité à l’alliance, justice sociale, amour du prochain, sollicitude pour le pauvre, l’orphelin et la veuve. Au lieu de cela, Dieu récolte l’infidélité, l’exploitation, la violence et le sang répandu.
Dans la parabole de Jésus, il y a aussi un propriétaire qui a planté une vigne et l’a confiée à des vignerons pour qu’ils en prennent soin et lui fasse produire du fruit. Mais les vignerons n’ont pas respecté les messagers de leur maître qui sont venus chercher le raisin produit. Ils ont décidé de garder la récolte pour eux-mêmes. Ils sont violents à l’encontre des envoyés et tuent même le Fils du propriétaire après l’avoir jeté hors de la vigne. Cette parabole annonce le rejet de Jésus, le Fils de Dieu, qui sera condamné par les responsables du peuple et mis à mort hors de la ville.
Dans les deux cas, il est légitime que Dieu soit déçu par la conduite des hommes. Pourtant, il ne s’avoue pas vaincu et il ne se décourage pas. Dans la parabole, il ne cesse d’envoyer des nouveaux messagers et en plus grand nombre. Le dernier messager qu’il envoie, c’est son propre Fils, et les vignerons le tuent… Ce qui étonne, même si les mauvais vignerons sont jugés et écartés, c’est que Dieu décide de confier de nouveau sa vigne à des vignerons. Le rejet de Jésus « hors de la vigne » conduit Dieu à changer de stratégie car la mort du Fils est source de salut pour le peuple puisque la vigne est confiée à de nouveaux vignerons qui lui feront produire le fruit attendu !
C’est ce paradoxe qui apparaît dans la conclusion de la parabole : « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle. Voilà l’œuvre du Seigneur ! une merveille à nos yeux ! » Quelle est donc cette merveille à voir ? C’est que l’acte horrible et injuste de tuer le Fils, que Dieu a envoyé, conduit le Père à renouveler les vignerons pour que sa vigne puisse produire l’excellent raisin qu’il en attend.
Nous sommes ce peuple, cette vigne dont Dieu attend de bons raisins ! Interrogeons-nous. Correspondons-nous à l’attente de Dieu ? Probablement que non. Pourtant ne nous décourageons pas. Essayons de pratiquer le commandement de l’amour qui résume toute la Loi de Dieu. Seul l’Esprit-Saint répandu par le Christ dans nos cœurs peut nous faire produire du bon fruit car cela nécessite une profonde transformation du cœur pour que nous puissions agir comme Dieu aime… Il nous est donc nécessaire de « prier et supplier » pour recevoir le Saint-Esprit.
Voilà pourquoi saint Paul fait cette recommandation dans la deuxième lecture : « Frères, ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, soyez dans l’action de grâce, priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer, gardera votre cœur et votre intelligence dans le Christ Jésus… Et le Dieu de la paix sera avec vous. »
Frère François-Dominique CHARLES, o.p.