Hier soir j’ai passé plusieurs heures auprès de ma sœur malade à l’hôpital. Elle est atteinte d’un cancer virulent, généralisé, partout répandu, et la tenant en souffrance dans un inconfort total. Plus rien à faire pour elle.
Ses enfants l’entouraient. Ils étaient venus l’un après l’autre, depuis leur lieu de travail, rejoindre ceux et celles qui les premiers s’étaient rendus veiller auprès d’elle.
Que faire ? Quoi dire ? Quand rien ne va plus pour celle qu’on aime et qu’on respecte infiniment, celle à qui on doit beaucoup, celle à qui on doit tout ?
Tous étaient là, attendris, disponibles, sans fard et sans atours, pris sur le vif de leur « après l’école » ou « après l’ouvrage ». Avec rien d’autre que leur cœur pour aimer celle qui la première les avait aimés chacun, chacune. Ils composaient ensemble une belle cohorte, une chaleureuse couronne qui se reflétait dans le visage pacifié, détendu, rayonnant de celle qui s’abandonnait maintenant à ce jeu d’être aimée en retour, béatifiée déjà par tant d’amour.
Il me semble alors avoir mieux compris le sens du discours de Jésus après la cène quand il disait aux disciples : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés, demeurez dans mon amour ». Et plus loin : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. »
C’était tellement beau de les voir tous. C’était merveilleux qu’ils soient là. Des femmes et des hommes – la plupart entre 40 et 50 ans – avec déjà toute une vie de hauts et de bas, d’ombres et de lumière, et qui font soudain silence auprès d’une mère si méritante. Et qui sont toute tendresse les uns à l’égard des autres.
Il me semble que c’était là un sommet de vie, de profonde expression de la vie, dans ce qu’elle a de plus beau, de plus pur, de plus sain. Où tout prend un sens, voire même nos souffrances, nos peines et nos deuils. Un moment d’extase et d’éternité, de plénitude, malgré notre impuissance à bien dire les choses, malgré la pauvreté de nos moyens humains pour guérir et enrayer le mal.
Le grand secret du bonheur : se laisser aimer. Puiser dans l’amour d’un autre, de l’Autre, notre raison d’aimer les autres, tous les autres. Nous établir à demeure dans cet amour de bienveillance et d’amitié. Y trouver notre joie, notre paix et notre vrai bonheur.
Jacques Marcotte, OP
Québec