Nous croyons en un seul Dieu qui est Père, Fils et Esprit
Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne veut pas croire est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
COMMENTAIRE
La Bonne Nouvelle chrétienne, comme elle est exprimée dans le très court passage de l’évangile de saint Jean de ce dimanche, implique une compréhension trinitaire de Dieu : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique pour que le monde soit sauvé par lui : ainsi, tout homme qui croit en lui obtiendra la vie éternelle. »
Cette formule extrêmement dense conduit en effet à la confession de foi trinitaire de l’Église. Car Jésus nous révèle ici que Dieu, qui « aime le monde », est Amour et que c’est parce qu’Il aime qu’Il est aussi Sauveur ; l’Amour veut sauver le monde et c’est pour cet unique motif qu’Il a envoyé son Fils unique. Le salut de l’homme consiste alors à recevoir de Dieu « la vie éternelle », grâce au Fils unique qui s’est fait homme et cela se réalise par le don de l’Esprit Saint.
Nous croyons en « un seul Dieu ». En cela, notre foi rejoint celle des Juifs et des Musulmans ! Nous pouvons sans difficulté reprendre le credo juif qui se trouve en Dt 6,4-5 : « Écoute, Israël, Adonaï est notre Dieu, Adonaï est l’Unique. Tu aimeras Adonaï ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force… » D’ailleurs Jésus connaît bien ce credo puisqu’il s’y réfère à plusieurs reprises dans les évangiles. Nous pouvons aussi reprendre sans difficulté la première sourate du Coran (Al Fatiha) qui est un pilier de la prière musulmane : « Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux. Louange à Allah, Seigneur de l’univers. Le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux, Maître du Jour de la rétribution. C’est Toi [Seul] que nous adorons, et c’est Toi [Seul] dont nous implorons secours… »
Les Musulmans ne peuvent pas accepter ce qui est dit dans la 1ère lecture : « Le Seigneur descendit dans la nuée et vint se placer auprès de Moïse. » Pour les Musulmans, Dieu est très loin des hommes qui doivent l’adorer en se prosternant, face contre terre. Il est impensable pour eux que Dieu puisse descendre pour s’approcher des hommes. Pour les Juifs, par contre, Il s’est approché tout près de l’homme mais en gardant une distance. Les rabbins disent que Dieu s’est approché de la montagne le plus près possible, mais que ses pieds n’ont pas touché le sol !
Nous, chrétiens, nous croyons que Dieu est venu chez les hommes et qu’il a « planté sa tente parmi nous » (Jn 1,14). Pour nous, Dieu a posé ses pieds sur la terre car nous croyons que Jésus est l’« Emmanuel », c’est-à-dire « Dieu-avec-nous » (Mt 1,23), parce qu’il est le « Fils unique » de Dieu comme cela est dit dans l’évangile d’aujourd’hui. En cela, notre foi est très différente de celle des Juifs et de celle des Musulmans.
Parce que le Dieu unique est immensément Miséricordieux, plein d’amour et de fidélité, comme il se révèle à Moïse dans le livre de l’Exode (1ère lecture), nous n’avons pas à le craindre. Il a voulu habiter avec les hommes pour faire de nous son peuple : « Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous » (Jn 1,14). C’est cela qui est le grand bouleversement de notre foi chrétienne ! Nous croyons que Dieu, à cause de sa miséricorde, s’est approché des hommes et s’est fait homme en Jésus Christ !
Cela ne veut pas dire que nous avons un autre Dieu que celui des Juifs et des Musulmans. Pour nous, les chrétiens, Dieu demeure Unique ! Cependant, pour tenir ensemble la foi en l’unicité de Dieu et en l’Incarnation, il nous faut découvrir que l’unité de Dieu est relationnelle. Ce que nous révèle en effet Jésus quand il prie en disant : « comme nous sommes un » (Jn 17,22), c’est la communion parfaite qui existe entre lui et le Père : ils sont inséparables. Le Fils de Dieu est l’Engendré du Père, c’est-à-dire qu’il se reçoit du Père, qu’il donne aux hommes ce que le Père lui donne. Il fait en tout ce que le Père lui demande : « Non pas ma volonté mais la tienne » (Lc 22,42).
Ce qui est aussi profondément nouveau dans le christianisme et qui est une conséquence de l’Incarnation du Fils de Dieu, c’est le don du Saint Esprit. Avec l’Esprit de Dieu, Jésus souffle en nous la Vie de Dieu, « la vie éternelle » comme il est dit dans l’évangile ; l’Esprit, c’est la vie même de Dieu dans nos cœurs. Le don du Saint Esprit fait de chacun de nous un être spirituel, sacré, divinisé, sauvé ! C’est de cela que le chrétien tient sa dignité. Voilà pourquoi celui qui croit en Jésus est sauvé : parce qu’il reçoit « la vie éternelle » de Dieu en recevant le Saint-Esprit. Saint Paul dit que nous sommes devenus des « temples de Dieu » (1Co 6,19).
Le Saint Esprit est donc la Vie du Père qui nous est donnée par le Fils. L’Esprit est Don de Dieu parce qu’il est don en Dieu. Comme l’écrit notre frère dominicain Bernard REY, « L’Esprit est vraiment Dieu donné, le don par excellence et le salut… » Voilà donc intimement liés le mystère de notre salut et celui de notre Dieu. Dieu est dans son essence même communion et relations. Le Saint-Esprit unit en Dieu le Père et le Fils et sa mission est de nous unir à Jésus et au Père. Nous sommes des enfants adoptifs de Dieu grâce au Fils unique et au don du Saint Esprit. Saint Paul écrit : « Vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions : Abba, Père ! » (Rm 8,15 ; cf. Ep 1,5).
Maître Eckhart, un mystique dominicain du 14e siècle, écrit que « là où le Père engendre le Fils, il lui donne tout ce qu’il a » et il ajoute : « c’est dans ce don que sourd le Saint-Esprit » (Sermon n° 11). Voilà une belle définition de la Trinité au sein de laquelle nous sommes déjà accueillis avec l’ascension de Jésus. Le salut chrétien consiste à vivre en communion avec Dieu dans le quotidien de nos vies. « Que chaque minute m’emporte plus loin dans la profondeur de votre Mystère ! » écrivait Sainte Élisabeth de la Trinité. Nous n’avons donc pas à craindre Dieu mais à l’aimer et à lui faire totalement confiance. Nous n’avons pas d’abord à le chercher dans les nuages mais plutôt dans nos cœurs puisque l’Esprit de Dieu y a été versé (Rm 5,5).
Méditons pour finir la prière d’ouverture de la messe de ce jour : « Dieu notre Père, tu as envoyé dans le monde, ta Parole de vérité et ton Esprit de sainteté pour révéler aux hommes ton admirable mystère ; donne-nous de professer la vraie foi en reconnaissant la gloire de l’éternelle Trinité, en adorant son Unité toute-puissante. »
Frère François-Dominique CHARLES, o.p.