Un grand financier à la tête d’une prestigieuse institution est accusé d’agression sexuelle. Un chef d’état garnit sa cagnotte personnelle en faisant dévier le trésor de son pays et les maigres ressources des citoyens. Un autre chef d’état, avide de pouvoir, cède à son penchant en traitant ses compatriotes comme de vulgaires esclaves. Un évêque est surpris avec du matériel pornographique. Au nom d’une idéologie, un homme plonge, les yeux fermés, dans le terrorisme international.
La liste serait particulièrement longue si nous tentions de recueillir les noms de tous les grands de ce monde qui, d’une façon ou d’une autre, cèdent à la malhonnêteté et à la déviance. Nous admirons les grands personnages pour leur force, pour leur compétence, pour leur audace même. Mais ceux et celles qui les côtoient quotidiennement savent qu’ils ont un talon d’Achille. Comme les petits, ils ont des faiblesses. Souvent, tout finit par éclater au grand jour.
L’être humain dépasse d’une coudée le reste des êtres vivants. Il occupe le sommet de la pyramide. Grâce à son intelligence, à la force de sa créativité, il peut réaliser de grandes choses. Depuis des millénaires, ses œuvres témoignent de son génie. Devant autant de talent, nous sommes persuadés qu’il peut encore produire des chefs-d’œuvre.
Mais le roi de l’univers ne peut oublier qu’il demeure un être faible. Même celui qui dépasse la moyenne générale. S’il excelle en certains domaines de sa vie, il cache cependant des zones plus sombres. Des secteurs de sa vie moins honorables peuvent le conduire à l’échec, briser les entreprises qui font sa renommée, éteindre l’admiration qu’il suscite.
Une chose peut sauver l’humain et le protéger de sa fragilité, qu’il soit grand ou petit : l’humilité. L’humble aborde la vie en tenant compte non seulement de ses forces et de ses talents mais aussi de ses limites et de ses faiblesses. Il veut se situer dans la vérité. Vérité de ce qu’il entreprend, vérité de ses projets et de ses réalisations. «Toute grande œuvre d’art est le fruit d’une humilité profonde.» (Valéry Larbaud) Vérité aussi de ce qu’il est personnellement, de la place qu’il occupe dans l’humanité, de sa vocation dans un monde où l’on vit les uns des autres.
On dit beaucoup de mal de la vertu d’humilité. On la confond parfois avec le mensonge au même titre que l’orgueil qui déguise la vérité. On prend l’humilité pour de l’humiliation; elle serait tout au plus une façon de s’écraser, de se dévaloriser. Rien n’est moins vrai que cette perception.
On aime l’humilité parce qu’elle est une discrétion. L’humble n’envahit pas le territoire de ses colocataires de la terre. Il n’envahit même pas son propre domaine. Au contraire, il le parcourt petit à petit; il le marche, appréciant ses pas comme autant d’avancées gratuites vers la découverte des trésors qui l’habitent.
Georges Bernanos disait : «La véritable humilité est d’abord une décence, un équilibre.» Voilà une sagesse qui devrait habiter grands et petits.