Les chrétiens parviennent au terme de leur pèlerinage vers Pâques. Leur démarche est discrète. Les candidats aux prochaines élections fédérales font plus de tapage. Cette année, on a même choisi le Vendredi saint comme premier jour du vote anticipé. Nous sommes loin de l’époque des grands silences et des ascèses rigoureuses. Pour assurer davantage de distraction, la période des finales de hockey bat son plein. Elle attire tellement l’attention que les chefs de partis politiques se permettent de suivre les joutes en bonne compagnie plutôt que de parcourir les routes à la recherche de sympathisants à leur cause.
Mais revenons à la Semaine sainte et à Pâques. Au cœur de cette grande semaine, un homme. Nous reconnaissons en lui le Fils de Dieu, son envoyé. Nous recevons sa parole comme Parole de Dieu même. Nous lisons dans ses gestes les attentions de Dieu à notre endroit.
Dieu aurait pu communiquer avec nous de bien des façons. Il choisit de se faufiler dans notre histoire, de la partager entièrement. Il aurait pu contourner le mal, éviter la souffrance, ne pas se laisser attaquer par la haine. Il a plutôt choisi d’assumer pleinement notre existence avec ses joies comme avec ses misères. Y compris la souffrance et la mort.
À première vue, ce choix apparaît bizarre. Quelqu’un qui assistait à sa mort sur la croix n’hésita pas à remarquer l’étrange situation : «Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même.» (Matthieu 27, 42) Bien plus, il est venu pour délivrer du mal comme il le fait dire dans la prière qu’il a donnée à ses disciples. Et pourtant le mal continue de faire des ravages. Après deux mille ans d’histoire où les ombres semblent l’emporter sur la lumière, nous pourrions conclure : Dieu est en échec.
Où est Dieu quand un petit autiste est avalé par une rivière impétueuse? Où est Dieu quand deux sœurs meurent prisonnières dans l’incendie de leur demeure? Où est Dieu quand un adolescent qui n’en peut plus choisit le suicide? Où est Dieu quand un cancéreux n’en finit plus de mourir? Où est Dieu? Où est le Tout-Puissant?
Dieu, il se noie avec l’enfant. Il brûle avec les petites filles. Il se suicide avec l’adolescent. Il souffre avec le malade. Sur sa croix comme au tombeau où il ressuscite, Dieu a choisi non pas d’éliminer le mal mais d’accompagner les victimes du mal. Toute-puissance de la faiblesse!
Ne nous dit-il pas ainsi que le mal est inévitable, qu’il fait partie de toute vie humaine? Personne ne peut lui échapper. Homme parmi nous, le Fils de Dieu l’a assumé dans toute son humanité. S’il l’avait fui, il nous aurait menti. Dans sa souffrance et sa mort, il se révèle le compagnon de nos jours tragiques comme de nos périodes ensoleillées. Il souffre de nos souffrances, il meurt de nos morts.
Dieu nous accompagne non seulement jusqu’à notre mort mais jusqu’à la victoire sur la mort dans un au-delà du temps présent. Car notre route de salut ne s’arrête pas avec la mort. Elle se poursuit jusqu’à notre Pâque personnelle et jusqu’à la Pâque de toute l’humanité. Car nous sommes faits pour vivre et non pour disparaître. Nos soixante, nos quatre-vingts, nos cents ans de vie sont trop précieux pour s’arrêter à la mort. Dieu nous conduit plus loin.