Une outarde traverse le ciel. Elle va sans doute rejoindre ses copines qui picorent près d’ici. Elle chante, la belle jeunette, en avalant le vent qui virevolte autour d’elle.
On raconte qu’un chœur d’outardes au-dessus d’un poulailler réveille un vieux désir enfoui dans l’instinct des gallinacées. Les poules agitent leurs ailes. Elles veulent s’élancer, rejoindre le ciel, elles aussi. Instinctivement, comme si elles reconnaissaient dans les outardes de proches parentes.
Cela me fait penser à la résurrection du Christ. Pardonnez-moi ce rapprochement. La résurrection du Christ chante, elle aussi, dans ma tête et dans mon cœur. Mon corps frémit quand je laisse le mystère voltiger dans mon ciel.
Il est libre, le Christ, comme je rêve de le devenir. Il a traversé le mur de ses prisons comme je souhaite m’échapper des miennes. Puisque cet homme a vaincu la mort, pourquoi la victoire ne me serait-elle pas possible? Finie la peur de mourir, finie l’inquiétude devant l’inconnu.
Car il y a une part de moi-même qui croit en se nourrissant de la peur. Et je n’ai point honte d’avoir peur. Et je ne crois pas affaiblir ma foi en lui infligeant mes craintes. J’espère seulement parvenir à purifier ce qui me rattache au Christ et à Dieu. Et pour cela, je compte sur cette bonne nouvelle, cette incroyable nouvelle : un homme a vaincu la mort.
Je n’ai pas de preuve pour me rassurer. J’ai seulement un peu de foi, juste assez pour entretenir l’espérance. Plus, le soutien de vingt siècles de croyants et de croyantes, des milliards d’hommes et de femmes qui ont traversé leur vie et leur mort avec cette espérance.
Je suis particulièrement sensible au témoignage des premiers croyants, les disciples, Pierre, Jean, les deux Jacques, Marie la mère, Marie la Madeleine. Et surtout, un certain Paul. Pourquoi surtout lui? Parce qu’il est passé de la rage sur le dos des chrétiens à l’accueil absolu du Christ qu’il persécutait. On ne passe pas si facilement d’une telle violence à un engagement aussi renversant pour l’Évangile. Une conversion aussi radicale chez un homme aussi intelligent : il ne m’en faut pas plus pour accorder crédit aux derniers chapitres des évangiles.
Oui, je crois à la résurrection. Je ne fais que croire, malgré mes doutes, malgré mes peurs, malgré l’absence de preuve. Mes portes – verrouillées ou non – n’empêcheront pas le Ressuscité de s’approcher et de m’inviter à toucher la plaie de son côté. Et à le reconnaître lentement, peu à peu, jour après jour.
Comme les poules en entendant un voilier d’outardes!