Ici au Québec, et sans doute aussi ailleurs, on réclame avec force que soit faite la lumière sur des allégations de collusion ou de malversations dans les divers chantiers du travail, de la justice, du commerce ou de la gouvernance. Des demandes constantes sont faites par les partis d’opposition suite aux révélations nombreuses et toujours un peu furtives concernant les agissements douteux de personnes plus ou moins proches du pouvoir. Comment sortir du climat malsain qu’engendre ces incertitudes et cette méfiance ? Comment « déminer » notre société politique et économique des bombes à retardement qui menacent la sécurité générale ? Comment retrouver la clarté, la confiance et la paix sociale ? À qui profitent l’obscurité et les ténèbres que l’on dénonce ? Nous avons peur de la réponse.
Nous le voyons bien, l’attention publique, guidée par les médias, se porte à l’envie vers les scandales politiques ou autres. De notre observatoire, nous assistons à une véritable escalade des révélations et des soupçons. Le dénonciateur prête à l’adversaire l’intention de camoufler la vérité. Et chacun cherche à récupérer politiquement les refus de l’autre de faire toute lumière, ses tentatives plus ou moins apparentes de dissimulation.
Prisonniers de cette dynamique, nous ne sommes pas loin de verser dans le fatalisme, la gêne et le dégoût, à moins que ce ne soit dans le cynisme ou le désistement total. Comment composer avec tous ceux et celles qui ne pensent pas et n’agissent pas comme nous ? Est-il utopique de poursuivre un rêve et un projet de transparence, d’harmonie et de pleine confiance dans nos sociétés composites d’aujourd’hui ? Ou bien faut-il nous résigner à prendre nous aussi le parti de la mafia, de la pègre, du crime organisé, de l’abus politique et du mal institué ?
Comment arriver à ne pas souffrir nous-même de l’état des choses que nous dénonçons ? Comment nous protéger pour ne pas tomber nous-mêmes dans les excès et les abus personnels qui ont cours ? Nous faudrait-il aller dans le sens d’un état de contrôle absolu ? Peut-on imposer la vertu à tout le monde ? Mais alors, quelle tolérance ou quelle marge de manœuvre accorderions-nous aux consciences, aux libertés et responsabilités individuelles ?
Plutôt que de nous imposer un régime collectif de haute surveillance, nous devrions peut-être travailler d’abord à former des attitudes de vigilance et de rectitude chez les individus, des attitudes de respect des personnes, une volonté réelle d’incorruptibilité. Apprendre à ne pas tomber dans le syndrome de la malhonnêteté ni dans celui d’une recherche maladive du bouc émissaire. Pour autant qu’il dépend de nous, protégeons notre monde prochain, nos partenaires, les petits au milieu de nous, les laissés-pour-compte, les plus pauvres. Travaillons à la pièce. Posons des gestes, un par un, dans le même sens, celui de la lumière, de la justice, de la bienveillance, de l’amour… Et croyons à l’effet d’entraînement qui, peu à peu gagnera du terrain et transformera notre monde. C’est un patient et rigoureux travail d’éducation et de fidélité qu’il nous faut mener.