Jésus naît pour sauver tous les hommes
Voici quelle fut l’origine de Jésus Christ. Marie, la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint.
Joseph, son époux, qui était un homme juste, ne voulait pas la dénoncer publiquement ; il décida de la répudier en secret. Il avait formé ce projet, lorsque l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle mettra au monde un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »
Tout cela arriva pour que s’accomplît la parole du Seigneur prononcée par le prophète : Voici que la Vierge concevra et elle mettra au monde un fils, auquel on donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu-avec-nous ».
Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse.
COMMENTAIRE
Dans l’évangile de Luc, c’est Marie qui est au centre des récits de l’enfance (Lc 1 et 2). Dans celui de Matthieu, par contre, c’est Joseph qui est le personnage clé (Mt 1-2). Chez Luc, l’ange apparaît à Marie (Lc 1,26-27) et lui annonce que l’Esprit la couvrira de son ombre et qu’elle enfantera un fils à qui elle devra donner le nom de « Jésus ». Chez Matthieu il y a aussi un récit d’annonciation, mais c’est Joseph que l’ange interpelle pendant son sommeil, en l’appelant « fils de David », et lui annonce que Marie est enceinte par l’action de l’Esprit Saint (Mt 1,20) et qu’il devra donner le nom de « Jésus » à l’enfant et l’accueillir ainsi dans la filiation du roi David. Le Messie promis par Dieu doit être un descendant de David ! Voilà pourquoi Luc et Matthieu soulignent tous les deux que Jésus naît à Bethléem, la ville de David (Mt 2,1.5 ; voir surtout Lc 2,4).
L’Incarnation de Dieu dans l’humanité n’a donc été possible que grâce à un double consentement : celui de Marie qui dit « oui » à l’ange Gabriel : « Je suis la servante du Seigneur ! » (Lc 1,38) ; mais aussi celui de Joseph (il ne prononce pas un seul mot dans les évangiles !) dont la réponse consiste simplement à « faire ce que l’ange du Seigneur lui a prescrit » (Mt 1,24-25 ; voir aussi 2,13-14 et 2,20-21). Il faut ce double consentement pour que Jésus puisse naître et que puisse s’accomplir le projet de « Dieu qui veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tim 2,4). Tout cela explique pourquoi le nom de l’enfant sera « Jésus ». L’ange en révèle le sens à Joseph : « c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » En effet, « Jésus » est un nom qui vient de l’hébreu (« Ye-shoua », diminutif de « Yeho-shoua ») et qui signifie : « salut de Dieu ».
Pour Matthieu, cet événement extraordinaire s’inscrit dans le dessein de Dieu puisque cela a été annoncé par le prophète Isaïe : « Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils » (Is 7,14). L’évangéliste cite ici la traduction grecque de la Bible, car le texte hébreu parle de « jeune fille » et non de « vierge ». C’est intentionnel car l’événement est unique : on ne connaît pas d’autre enfantement virginal dans la Bible. Dieu a donné la fécondité à des femmes stériles et à des femmes âgées, telles Sarah, la femme d’Abraham (Gn 18,13-14), Anne, la mère de Samuel (1Sm 1), ou Élisabeth, la mère de Jean Baptiste (Lc 1,5-13). Mais ce n’est pas tout car Matthieu cite la suite de l’oracle, bien que cela paraisse en contradiction avec le récit précédent : « on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit Dieu-avec-nous. » Mais la contradiction n’est qu’apparente. En donnant à l’enfant le nom de « Jésus », Joseph en fera un descendant de David et annoncera sa mission qui sera de sauver son peuple Israël. Le deuxième nom, « Emmanuel », annonce dès avant la naissance de Jésus, qu’il ne sera pas seulement le sauveur de son peuple mais aussi celui des nations et tous l’appelleront « Dieu-avec-nous ». Pour le comprendre, il faut déjà se reporter à la fin de l’évangile (Mt 28,19-20). Quand Jésus ressuscité apparaît à ses apôtres, il leur dit : « allez, de toutes les nations faites des disciples… » ; puis il ajoute : « Je suis avec vous… ». La prophétie entendue en songe par Joseph – « on l’appellera Emmanuel » – est accomplie. Le « on » inclut donc les nations : ainsi, dès l’annonciation à Joseph, on apprend que Jésus, le Messie d’Israël, est né pour sauver aussi tous les hommes !
Joseph est pour nous un grand exemple. On apprend qu’il donnera le nom de Jésus à l’enfant mais il ne prononce pas un mot. Il ressemble à Abraham parce qu’il répond en se mettant en route « comme le Seigneur le lui demande » (cf. Gn 12,4). Ce qui compte pour nous, plus que nos paroles, ce sont les décisions qui nous engagent et les actes qui en résultent. Puisse notre manière de vivre être réponse aux appels du Dieu vivant qui nous met en marche comme il met aussi les mages en marche vers Jésus. Joseph contribue en silence à la réussite du projet divin de salut. Puissions-nous apprendre à son exemple à devenir des témoins silencieux de la vérité de l’Évangile. Puissions-nous aussi admirer et soutenir tous ceux qui se dévouent en silence au service de nos communautés chrétiennes.