Sur le texte : « Pourquoi donc me cherchez-vous? » jusqu’à : « Marie conservait toutes ces choses en son cœur. »
Jésus retrouvé dans le Temple au milieu des docteurs
Marie et Joseph cherchaient Jésus « parmi leurs parents » et ils ne le trouvaient pas; ils le cherchaient « parmi leurs compagnons de route » : impossible de le trouver! Ils allèrent le chercher « dans le Temple », non pas tout simplement dans le Temple, mais auprès des maîtres et c’est « au milieu des professeurs » qu’ils le trouvèrent. Partout οù il y a des maîtres, c’est là, au milieu d’eux, que l’on trouve Jésus, si toutefois le maître est assis « dans le Temple » et n’en sort jamais.
Jésus rendit service à ses maîtres : ceux qu’il semblait interroger, c’est lui qui les a instruits en parlant « au milieu d’eux ». D’une certaine façon, il les incitait à chercher ce qu’ils ignoraient et à dépister des vérités dont, jusqu’alors, ils n’étaient pas en mesure de savoir s’ils en avaient déjà connaissance ou s’ils les ignoraient.
« Pourquoi donc me cherchiez-vous? »
On trouve donc Jésus «au milieu des maîtres ». Une fois retrouvé, il dit à ceux qui le cherchaient : « Pourquoi me cherchiez-vous? Ne savez-vous pas qu’il me faut être dans la maison de mon Père ? »
Pour commencer, restons-en au sens le plus simple et armons-nous contre l’impiété des hérétiques qui disent que le père de Jésus-Christ, ce n’est pas le Créateur, ni le Dieu de la Loi et des Prophètes. Or, voici l’affirmation que le Père du Christ, c’est le Dieu du Temple et que la honte fasse rougir les Valentiniens lorsqu’ils entendent les paroles de Jésus : « Il convient que je sois dans la maison de mon Père. » Qu’elle fasse rougir tous les hérétiques qui admettent bien l’évangile selon Luc et méprisent pourtant ce qui y est écrit !
Telle est, comme je l’ai dit, la signification la plus simple de ce passage.
La demeure du Père
3. Cependant, puisqu’il est précisé : « Ils ne comprirent pas ces paroles », examinons plus attentivement le sens de l’Écriture.
Étaient-ils assez sots, manquaient-ils à ce point de sagesse qu’ils ne savaient pas ce que Jésus voulait dire? Ces paroles : « Il faut que je sois dans la maison de mon Père », signifiaient-elles « être dans le Temple »? Ou bien ont-elles un sens plus profond, de nature à édifier davantage les auditeurs? Chacun de nous, s’il est bon et parfait, appartient à Dieu le Père. Tel est donc, d’une manière générale et concernant tous les hommes, l’enseignement du Seigneur : Il ne doit pas être ailleurs qu’en ceux qui appartiennent au Père. Si l’un d’entre vous appartient à Dieu le Père, il a Jésus en lui. Croyons donc à sa parole : « Il faut que je sois dans la maison de mon Père. » Et c’est là, selon moi, un temple plus spirituel, plus vivant et plus vrai que le temple construit de main d’hommes qui, lui, n’est qu’une figure prophétique.
Ainsi, tout comme la présence de Jésus dans le Temple, sa sortie comporte également une signification symbolique : « Il sortit du temple » (Mt 24, 1) terrestre en disant : « Votre maison va vous être laissée déserte » (Mt 23, 38). Cette maison-là, il l’a laissée derrière lui pour se rendre dans la demeure du Père que sont les églises dispersées à travers le monde entier, et il dit : « Il faut que je sois dans la maison de mon Père. » Alors « ils ne comprirent pas la parole qui leur avait été adressée ».
Signification symbolique des sommets
En même temps, prêtez attention à ce point : aussi longtemps qu’il est resté dans le domaine de son Père, il était sur les hauteurs. Et parce que Joseph et Marie n’avaient pas encore la plénitude de la foi, ils ne pouvaient demeurer là-haut avec lui. Aussi nous dit-on qu’il descendit avec eux.
Maintes fois, Jésus descend avec ses disciples; il ne reste pas toujours sur la montagne et il n’occupe pas sans fin les sommets. Il est sur la montagne avec Pierre, Jacques et Jean (Lc 9, 28), puis il va retrouver le reste de ses disciples dans un autre lieu. De plus, comme ceux qui souffraient de maladies de toutes sortes n’avaient pas la force de gravir la montagne, « il descendit et vint trouver ceux qui étalent en bas » (cf. Mt 8, 1). Dans notre passage aussi, il est écrit : « Il descendit avec eux pour aller à Nazareth et il leur était soumis. »
La soumission de Jésus
Apprenons, fils, à être soumis à nos parents; le plus grand, Jésus, se soumet au plus petit : il voit Joseph plus âgé que lui et pour cette raison, il l’entoure du respect dû à un père, offrant à tous les fils un exemple de soumission à leur père ou, s’ils n’ont plus de père, à ceux qui sont chargés de l’autorité paternelle.
Pourquoi parler des parents et des enfants ? Jésus, le Fils de Dieu, est soumis à Joseph et à Marie, et moi, je ne serais pas soumis à l’évêque que Dieu m’a donné pour père? Je ne serais pas soumis au prêtre que le choix du Seigneur a préposé? Joseph avait compris, je pense, que Jésus qui lui était soumis était plus grand que lui; et sachant que lui était supérieur celui qui lui obéissait, c’est avec crainte et mesure qu’il exerçait son commandement.
Que chacun le constate: souvent un homme de moindre valeur se trouve placé au-dessus de gens meilleurs que lui, et il arrive parfois que l’inférieur vaille plus que celui qui semble avoir autorité sur lui. Quand celui qui est le plus élevé en dignité l’aura compris, il ne s’enorgueillira pas d’occuper un rang plus important; il saura que son subordonné a plus de valeur que lui, tout comme Jésus soumis à Joseph.
Les progrès de Jésus « en sagesse et en âge »
6. On lit ensuite : « Marie gardait toutes ces paroles en son cœur. »
II y avait là quelque chose qui dépassait la nature humaine, elle le soupçonnait ; aussi gardait-elle « toutes les paroles [de Jésus] en son cœur », non pas comme les paroles d’un enfant de douze ans, mais comme les paroles de celui qui avait été conçu de l’Esprit Saint, de celui qu’elle voyait « progresser en sagesse et en âge auprès de Dieu et des hommes ».
Jésus progressait en sagesse, il paraissait plus sage en prenant de l’âge. Est-ce à dire qu’il n’était pas sage, pour avoir à progresser en sagesse? Ou bien, lui qui « s’était dépouillé, prenant la condition de serviteur» (Ph 2, 7), recouvrait-il ce qu’il avait perdu et était-il de nouveau rempli de ces vertus qu’un peu auparavant, il avait semblé laisser de côté, en s’incarnant?
Âge physique et âge spirituel
Il progressait donc, non seulement « en sagesse », mais « en âge ». Car on progresse en âge aussi. L’Écriture nous relate qu’il y a deux sortes d’âges : l’âge physique, qui n’est pas en notre pouvoir, mais dépend d’une loi naturelle, et l’âge spirituel, qui nous appartient en propre et selon lequel, si nous le voulons, nous grandissons chaque jour et parvenons à la perfection, de sorte que « nous ne sommes plus de petits enfants, ballottés et menés à la dérive à tout vent de doctrine » (Ερ 4, 14). Cessant d’être « de petits enfants », commençons à être des hommes et disons : « Devenu homme, j’ai mis fin à ce qui était propre à l’enfant » (1 Co 13, 11).
Le progrès de cet âge — qui est comme je l’ai dit la croissance spirituelle — est en notre pouvoir. Et si ce témoignage ne suffit pas, prenons encore un autre exemple chez Paul: « Jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’état d’adultes, à l’âge où nous atteignons la plénitude du corps du Christ » (Ερ 4, 13). Il dépend donc de nous de parvenir « à l’âge où nous atteindrons la plénitude du corps du Christ »; et si cela dépend de nous, mettons tout notre effort à dépouiller le petit enfant, à faire disparaître ce qui est en lui, afin de parvenir aux autres degrés de l’âge et de pouvoir entendre, nous aussi, ces paroles : « Tu t’en iras en paix auprès de tes pères, au terme d’une heureuse vieillesse » (Gn 15, 15), cette vieillesse spirituelle, en tout cas qui est vraiment la bonne vieillesse, vieillesse qui va blanchissant et parvient à sa fin dans le Christ Jésus, « à qui appartiennent gloire et puissance dans les siècles des siècles. Amen » (1 P 4, 11).