Le retour décidé du religieux et d’une quête spirituelle intense est de plus en plus manifeste dans nos sociétés traversées par bien des courants contradictoires. Ce retour et cette quête se traduisent dans nos milieux par des témoignages empreints de radicalisme et même de rigidité. Avec beaucoup d’austérité, des jeunes en particulier arborent les gestes éloquents du silence, de la pauvreté, du dépouillement, du non-conformisme, dans l’originalité des signes et l’attachement délibéré à d’anciennes pratiques.
Est-ce là simple nostalgie? Contestation superficielle? Pur romantisme? Crise d’identité et besoin d’affirmation personnelle? Ce mouvement va-t-il durer? A-t-il vraiment de l’âme et du souffle pour un grand avenir?
Voyons surtout ce que cette tendance produit. Car elle s’impose et ne nous trompe pas. Les tenants de ce penchant savent ce qu’ils veulent. Ils nous jugent et nous contestent dans nos propres fidélités et nos évidentes infidélités. Ce mouvement nous apporte-t-il de réelles et nouvelles valeurs? Ou bien est-il seulement théorique, intellectuel, mode passagère? Il ne semble pas disposé à s’arrêter, tellement ses adeptes sacrifient de leurs ressources et de leur confort. Ils s’engagent très fort. Ils s’investissent profondément et sans réserve. Auraient-ils véritablement trouvé l’essentiel?
Pareilles orientations et toutes ces poussées, si radicales, vont-elles tenir longtemps ou vont-elles s’essouffler rapidement? Le mouvement est-il bien éclairé? Ou est-il de l’entêtement? Faut-il nous-mêmes – du dehors – sacrifier à ce renouveau ce que nous avons cru avoir acquis une fois pour toutes : une liberté reconquise, des initiatives porteuses de sens, une créativité à nos yeux authentique?
Le souffle des années soixante, du Concile Vatican II et de son aggiornamento doit-il s’arrêter et faire place à ce qui paraît d’abord un grand retour vers le passé? Notre « révolution tranquille » aurait-elle fait elle-même la preuve de son essoufflement, suggérant qu’elle n’était qu’un impossible rêve? Serions-nous allés trop loin ou pas assez? Faut-il vraiment balancer nos allures modernes et nos avancées certaines par le poids d’un conservatisme concerté, organisé?
Peut-être faut-il porter ensemble ce malaise et laisser mûrir plus longtemps encore un avenir aujourd’hui incertain? Sans doute nous faudra-il vivre encore et toujours l’inconfort d’une dialectique dont nul d’entre nous ne connaîtra jamais l’issu définitive.