Jésus le Vivant
Le premier jour de la semaine, de grand matin, les femmes se rendirent au sépulcre, portant les aromates qu’elles avaient préparés. Elles trouvèrent la pierre roulée sur le côté du tombeau. Elles entrèrent, mais ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus.
Elles ne savaient que penser, lorsque deux hommes se présentèrent à elles, avec un vêtement éblouissant. Saisies de crainte, elles baissaient le visage vers le sol. Ils leur dirent : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. Rappelez-vous ce qu’il vous a dit quand il était encore en Galilée : ‘Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié et que, le troisième jour, il ressuscite.’ »
Alors elles se rappelèrent ses paroles. Revenues du tombeau, elles rapportèrent tout cela aux Onze et à tous les autres. C’étaient Marie Madeleine, Jeanne, et Marie mère de Jacques ; les autres femmes qui les accompagnaient disaient la même chose aux Apôtres.
Mais ces propos leur semblèrent délirants, et ils ne les croyaient pas.
Pierre cependant courut au tombeau ; mais en se penchant, il ne vit que le linceul. Il s’en retourna chez lui, tout étonné de ce qui lui était arrivé.
COMMENTAIRE
La Grande Semaine est arrivée, source et sommet de notre année liturgique. Avec son passage de la nuit à l’aube, avec son mystère pascal.
En cette fête de Pâques, que célébrons-¬nous ? Le retour cyclique du printemps, la vie et ses élans ? Les valeurs correctes qui assurent la cohésion de la société ? Notre rassemblement de gens qui sont bien ensemble ?
Depuis Luc jusqu’à nous, en cette fête, nous ne célébrons pas quelque vague nature déifiée, ni nos biologiques élans vitaux, ni de belles valeurs abstraites et interchangeables, ni même notre être-ensemble sécurisant. Nous ne célébrons pas des évidences rassurantes mais Quelqu’un : Jésus le Vivant, le Seigneur. Nul autre que lui. Le même « qui fût livré aux mains des pécheurs et crucifié ». Ce Jésus qui est allé au bout de son exode (Lc 9,31) et que Dieu a glorifié.
Ce que Jésus fut pour les autres, ses gestes et ses paroles de pardon et d’accueil, son annonce du Royaume pour les plus pauvres, voilà que Dieu y met son sceau en le ressuscitant. Il approuve, il est lui aussi de ce bord-là.
Et cette Bonne Nouvelle ne va pas de soi : elle est trop bouleversante, renversante. Elle ne correspond pas immédiatement à nos besoins religieux de sacré ou à nos besoins séculiers de signes clairs. Comment cet homme qui a connu l’abandon et l’échec, dans le monde, serait-il le Seigneur du monde ? Comment ce prophète qui fut assassiné serait-il non seulement en vie mais le Vivant, comme Dieu lui-même?
Aussi, les réactions à cette annonce sont les mêmes aujourd’hui qu’hier. Comme les femmes, nous restons perplexes, cherchant parmi les morts, le visage penché à terre, les dernières traces d’un cher disparu. Comme les Onze, les paroles d’espérance nous semblent un délire, un radotage, qui ne peut ébranler nos certitudes cyniques. Comme Pierre, étonnés, nous ne voyons que des reliques pieuses et vides.
Il ne suffit pas de constater des faits curieux, ni d’entendre d’autres nous raconter leur foi pour que la nôtre en naisse. Luc nous indique un signe plus important. Rappelez-vous les paroles de Jésus. C’est toute notre vie que nous sommes appelés à relire à la lumière de la Parole, pour y reconnaître la présence du Vivant qui nous accompagne.
En cette fête de Pâques, qui célébrons¬-nous ? Nuit et aube de Pâques, où proclamer l’essentiel de notre foi chrétienne qui n’est ni beau principe, ni loi cosmique, ni sentiment d’appartenance, mais le visage obscur et glorieux de Jésus le ressuscité. Voilà le seul fondement de tout notre édifice ecclésial, de tous nos engagements et de tous nos élans. L’annonce d’une joyeuse nouvelle qui n’est pas cyclique mais qui est un événement brisant nos croyances spontanées pour nous amener à une expérience nouvelle : croire en cet homme du pardon et de l’accueil, croire que Jésus est le Vivant, pour toujours avec nous.
Pâques, fête de la foi, temps unique où, en nous, dans l’Église, et pour tous, retrouver et affirmer notre ultime vérité chrétienne, notre identité radicale : Jésus ressuscité est le Seigneur. Alléluia !