Vendredi dernier, la liturgie rappelait à notre mémoire la figure de Joseph, l’époux de Marie. À l’Oratoire Saint-Joseph de Montréal, la fête était grandiose. La foule était nombreuse.
La popularité de Joseph peut surprendre alors que le charpentier semble avoir joué un rôle effacé dans le plan de Dieu. On a ricané beaucoup à propos du sort de Joseph. Et il arrive qu’on sourit encore de nos jours. On s’est apitoyé aussi sur son sort: pauvre homme qui n’a pu vivre son projet de mariage, pauvre homme qui n’a pu exercer sa sexualité comme il le désirait!
On a pensé que Joseph a cru à une infidélité de la part de sa Marie. En constatant que sa fiancée était enceinte, il aurait conclu qu’elle avait rencontré un autre homme. Et dans sa bonté innocente, et pour ne pas manquer de charité, Joseph aurait voulu en toute discrétion libérer Marie de son engagement à son égard.
Il n’est pas sûr que les choses se soient passées de cette façon. Et les récits des évangiles laissent de la place à d’autres interprétations. Après sa rencontre avec l’ange, pourquoi Marie n’aurait-elle pas mis son Joseph au courant des intentions de Dieu? Pourquoi un Joseph passionnément amoureux n’aurait-il pas cru sa bien-aimée? L’amour est au-dessus du raisonnable et il se fout souvent de la logique. Il peut s’accommoder de ce qui est invraisemblable.
Joseph a pu croire ce que Marie lui annonçait. Et il a pu croire qu’il ne faisait pas partie du projet de Dieu en Marie. Et ce bon juste a peut-être voulu se retirer pour ne pas nuire à Dieu. C’était un grand sacrifice que Joseph s’apprêtait à faire en dégageant Marie de son lien avec lui. Ce n’était pas la première fois que Dieu demandait un grand sacrifice. L’ancêtre Abraham a cru, lui aussi, que Dieu lui demandait de sacrifier son fils Isaac (Genèse 22).
Mais le songe que Joseph a vécu a annoncé les vraies volontés de Dieu. Joseph n’a pas été exclu. Il n’a pas conçu l’enfant mais il sera, malgré cela, son père. Et sa paternité ne sera pas réduite à nourrir l’enfant. Il sera plus qu’un porte-feuille pour satisfaire les besoins matériels du fils de Marie. Il sera plus qu’un père nourricier et protecteur. En vrai père, il accompagnera Jésus tout au long de sa croissance.
Dans l’univers juif, surtout à cette époque, le père est le chef de famille. Et ce rôle est très important. Le père préside la prière familiale le jour du sabbat, rite au sommet de la foi juive. Et beaucoup d’autres devoirs font partie de sa fonction.
Au plan psychologique, Joseph a présenté à l’enfant la figure du père. Comme tous les enfants, Jésus avait besoin de cette figure pour structurer sa personnalité, pour découvrir sa propre identité humaine. Jésus a vécu une vraie vie humaine. «Jésus progressait en sagesse, en taille, et en faveur auprès de Dieu et auprès des hommes», dit l’évangile (Luc 2, 52).
Devenu un adulte, Jésus parlera de Dieu son Père à partir de la figure que Joseph avait projetée comme père durant son enfance. L’image que les enfants se font de Dieu s’inspire toujours de l’image que leur propre père ou celui qui le remplace peut projeter de sa paternité. C’est ce rôle important que Joseph a rempli. C’est pourquoi Joseph n’est pas du tout un personnage secondaire dans la famille de Jésus.
De nos jours, il existe de plus en plus de familles reconstituées. Beaucoup d’hommes, comme Joseph, incarnent l’image du père pour un enfant qu’ils n’ont pas engendré. Leur rôle est essentiel pour le développement du jeune qui fait partie de la nouvelle famille. Souvent plus important que le vrai père quand celui-ci ne voit son enfant qu’occasionnellement ou quand il se contente de fournir une pension alimentaire. Être père, c’est principalement accompagner, initier à la vie, introduire dans le monde, donner des valeurs, enseigner un art de vivre, mener un ou des enfants à la maturité de l’adulte. Et même après cela, continuer comme conseiller, le sage qu’on consulte, l’ami à qui on peut tout dire.
Avec Marie, Joseph est entré dans le projet de Dieu pleinement. Il ne s’est pas contenté de regarder faire les choses. Il a participé au projet de salut de tout son être avec son amour pour Marie et avec sa foi en Dieu. Il continue sa mission de nos jours en étant une inspiration pour tant d’autres pères appelés à accompagner leurs enfants sur le chemin de la vie.