Sur le texte de Luc : « N’aie pas peur, Zacharie », jusqu’au passage où il est dit de Jean : « Il le précédera, avec l’esprit et la puissance d’Élie. »
Un ange annonce a Zacharie la naissance de Jean-Baptiste
1. A la vue de l’ange, Zacharie fut rempli d’effroi. C’est un fait : lorsqu’une figure inconnue se présente à des regards humains, elle jette le trouble dans l’intelligence et bouleverse l’âme. Aussi l’ange, sachant que telle est la nature humaine, commença-t-il par remédier à cette agitation en disant : « N’aie pas peur, Zacharie. » Celui-ci tremblait, l’ange le réconforta et le remplit de joie en lui apportant un message nouveau : « Ta prière a été exaucée, ta femme Élisabeth enfantera un fils et tu lui donneras le nom de Jean; il sera pour toi source de joie et d’allégresse. »
L’enfant : source de joie ou de consternation pour ses parents
Quand un enfant vient au monde, à son entrée dans le stade qu’est notre vie, ceux qui lui ont donné naissance sont transportés de joie. Mais lorsque naît un être que tout en lui dispose à mener une vie mauvaise, enfermé pour ainsi dire dans un lieu de punition en raison de ses fautes, c’est la consternation, l’écroulement, pour le responsable de cette naissance.
Une patience exemplaire
2. Voulez-vous l’exemple d’un saint homme, dont l’œuvre tout entière ne mérite que des éloges ? Voyez Jacob : il a engendré douze enfants mâles, qui tous sont devenus les patriarches, les chefs du peuple de Dieu et de son héritage. En tous, Jacob leur père trouvait sa joie. De même, dans le cas présent, la naissance de Jean est pour tous les hommes l’annonce d’une grande joie. Et quand, afin d’être utile aux autres, un homme aura consenti à procréer et accepté de se soumettre à ce service, qu’il supplie Dieu que lui vienne au monde un fils comme celui-là; alors cette naissance lui sera source d’une grande joie.
La vraie grandeur aux yeux du Seigneur
Donc, il est écrit de Jean : « Il sera grand aux yeux du Seigneur. » Et cette expression : « Il sera grand aux yeux du Seigneur » montre la grandeur de l’âme de Jean, telle qu’elle apparaît aux regards de Dieu. Mais il existe aussi une sorte de petitesse qu’on discerne, à proprement parler, dans la vertu de l’âme.
3. C’est ainsi que, pour ma part, je comprends cette parole de l’Évangile : « Gardez-vous de mépriser aucun de ces tout-petits qui sont dans l’Église » (Mt 18, 10). « Tout-petit » ne s’explique pas ici par comparaison avec un plus grand. Il ne m’est pas ordonné de ne pas mépriser celui qui est grand, car celui qui est grand ne saurait être méprisé; il m’est dit : « Ne méprise aucun de ces tout-petits. » Et pour que l’on sache bien que « tout-petit » et « petit » ne sont pas des termes employés au hasard, mais bien dans le sens que nous venons de leur donner, il est écrit : « Quiconque entraîne la chute d’un de ces petits… » (Mt 18, 6), un tout-petit peut être entraîné dans la chute, un plus grand ne peut y être soumis.
« Il sera rempli de l’Esprit Saint »
4. De Jean, il est dit ensuite : « Et il sera rempli de l’Esprit Saint dès le sein de sa mère. »
La naissance de Jean est pleine de miracles. De même qu’un archange annonça l’avènement de notre Seigneur et Sauveur, un archange annonça la naissance de Jean : « Il sera rempli de l’Esprit Saint dès le sein de sa mère. » Quand notre Seigneur faisait « des miracles et des prodiges » (Jn 4, 48) et guérissait leurs maladies, les Juifs ne s’en rendaient absolument pas compte. Jean, lui, encore enfermé dans le sein maternel, exulte de joie sans qu’on puisse le retenir, à l’arrivée de la mère de Jésus, il s’agite pour bondir au dehors « car, dit Élisabeth, lorsque ta salutation a retenti à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en mon sein » (Lc 1, 44). Jean était encore dans le sein maternel et il avait déjà reçu l’Esprit Saint; c’est que l’Esprit Saint n’était pas le principe de sa substance et de sa nature.
Le rôle de Jean-Baptiste
5. L’Écriture dit ensuite qu’« il ramènera au Seigneur leur Dieu un grand nombre de fils d’Israël ».
Jean en a ramené « un grand nombre ». Le Seigneur, lui, en ramènera non pas un grand nombre, mais la totalité, car son œuvre à lui, c’est de ramener tous les hommes à Dieu le Père.
« Et il marchera par-devant le Christ, dans l’esprit et la puissance d’Élie. » Il n’est pas dit « dans l’âme d’Élie », mais « dans l’esprit et la puissance d’Élie ». En Élie, il y eut puissance et l’esprit, comme dans tous les prophètes ; et de même, selon l’économie de l’Incarnation, en notre Seigneur et Sauveur lui-même, ainsi qu’il est dit à Marie un peu plus loin dans le texte : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre » (Lc 1, 35). L’Esprit qui avait été sur Élie vient sur Jean et la puissance qui était en Élie apparut en lui aussi. Le premier fut enlevé au ciel, mais l’autre fut le précurseur du Seigneur et mourut avant lui pour descendre annoncer son avènement même aux enfers.
Accomplissement aujourd’hui du mystère de Jean
Quant à moi, je pense que le mystère de Jean s’accomplit dans le monde jusqu’à nos jours. Si le destin d’un homme est de croire en Jésus-Christ, l’esprit et la puissance de Jean viennent auparavant en son âme « préparer au Seigneur un peuple parfait », aplanir les chemins et rendre droits les sentiers.
Ce n’est pas seulement dans le passé que furent préparés les chemins et redressés les sentiers : aujourd’hui encore, l’esprit de Jean et sa puissance précèdent la venue du Seigneur.
Qu’il est grand, le mystère du Seigneur, et son dessein sur le monde! Les anges précèdent Jésus, les anges chaque jour montent ou descendent pour le salut des hommes dans le Christ Jésus, « à qui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen » (1 P 4, 11).