Quand la Parole brise les cercles
Dans la synagogue de Nazareth, après la lecture du livre d”Isaïe, Jésus déclara : « Cette parole de l”Écriture que vous venez d”entendre, c”est aujourd’hui qu”elle s”accomplit. »
Tous lui rendaient témoignage ; et ils s’étonnaient du message de grâce qui sortait de sa bouche. Ils se demandaient : « N’est-ce pas là le fils de Joseph ? » Mais il leur dit : « Sûrement vous allez me citer le dicton : ‘Médecin, guéris-toi toi-même. Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm : fais donc de même ici dans ton pays !’ »
Puis il ajouta : « Amen, je vous le dis : aucun prophète n’est bien accueilli dans son pays. En toute vérité, je vous le déclare : Au temps du prophète Élie, lorsque la sécheresse et la famine ont sévi pendant trois ans et demi, il y avait beaucoup de veuves en Israël ; pourtant Élie n’a été envoyé vers aucune d’entre elles, mais bien à une veuve étrangère, de la ville de Sarepta, dans le pays de Sidon. Au temps du prophète Élisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël ; pourtant aucun d’eux n’a été purifié, mais bien Naaman, un Syrien. »
A ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où la ville est construite, pour le précipiter en bas.
Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin.
COMMENTAIRE
Qu’attendons-nous de la Parole de Dieu? Qu’elle confirme notre façon de vivre, qu’elle rassure notre identité menacée, qu’elle soutienne nos catégories? Quand la parole s’adresse à nous et devient vivante et active, on peut s’attendre à des surprises. Dans le texte de Luc, la parole de Jésus vient briser des frontières et proposer des horizons nouveaux.
En plein coeur de la vie religieuse des siens, dans la synagogue, après la lecture de l’Écriture, Jésus annonce une Bonne Nouvelle. II suscite d’abord l’admiration, puis l’étonnement, le questionnement et finalement le refus. Le culte à la synagogue bâtit la communauté et façonne sa cohésion. Mais Jésus, en ce lieu même, propose une autre communauté, une autre cohésion, une espérance ouverte.
Les promesses de libération et de justice, elles vont maintenant se réaliser car Dieu, en Jésus, se fait proche de ceux qui sont loin. Cela maintenant s’accomplit. Le cercle des possédants du Royaume n’est plus res treint : il se brise et inclut des exclus, même des étrangers. Luc souligne cet as pect par l’opposition Israël / Sidon et Syrie. Dans les deux cas (une veuve, un lépreux), un prophète intervient en faveur d’une personne étrangère. La bienveillance de Dieu s’étend jusqu’à elles. II n’y a plus un peuple privilégié et exempt de s’ouvrir à l’appel de Dieu.
Les auditeurs de Jésus ont compris. Leur réaction finale annonce la Passion : la mort sur la colline. Mais l’heure de Jésus n’est pas venue. Homme libre, il continue son chemin qui le mène à Jérusalem et à la croix.
Jésus défait l’attente des gens, il les in vite à briser leur coquille et à entrer dans une autre perspective. Cela suscite peur et colère. Qui accepterait facilement d’entrer dans un nouveau peuple où les anciennes frontières, sources d’identité, sont abolies?
L’aventure spirituelle et communautaire à laquelle Jésus nous invite est insécurisante dans son espérance même. Hier comme aujourd’hui, sa parole vient briser nos petits cercles pour qu’ils incluent de nouveaux visages. Elle vient appeler à construire une nouvelle communauté qui tire sa cohésion de la foi, de l’espérance et de l’amour.
En plein coeur de notre vie religieuse, à l’écoute de la Parole, quelles solidarités sommes-nous appelés à établir, ou quelle réalité familière sommes-nous appelés à regarder avec des yeux neufs? Quelles sont les clôtures à ouvrir, les frontières à franchir, pour que l’Écriture s’accomplisse aujourd’hui ?