Ces jours-ci, j’ai vu le film de Bernard Émond : «Contre toute espérance». Le cinéaste résume son film : «Dans «Contre toute espérance», j’avais vraiment envie d’aller au bout du désespoir pour voir ce qui s’y trouve. Ce qui est devenu l’histoire d’une femme qui perd tout, son travail, son mari, sa maison. Qui se retrouve devant rien. Qui commet un geste de désespoir lorsqu’elle tire sur la maison du patron qui l’a congédiée, qui a congédié d’ailleurs des centaines de ses consœurs.» (La perte et le lien. Entretiens sur le cinéma, la culture et la société, Montréal, Médiaspaul, 2009, p. 71)
Réjeanne accumule épreuve sur épreuve. Les obstacles surgissent de partout et élèvent des murs autour d’elle. Le malheur devient une prison sans issue. Dans ce tombeau qui la retient captive, cette femme se bat pour s’en sortir, pour survivre. Elle espère. Mais plus elle se bat plus les liens du malheur se resserrent autour de sa vie et l’étouffent.
À la place de Réjeanne, aurais-je eu son courage? La toute dernière scène est prenante. Au bout du bout de sa détresse, dans un souffle ténu, d’une voix presque inaudible, la malheureuse balbutie : «Dieu, aidez-moi!» C’est presque rien, mais tout est là. Une légère fissure dans l’épais mur de la souffrance. Peut-être qu’un peu d’air va s’infiltrer dans une vie acculée au pied du mur. Je dis : peut-être, car rien ne prouve qu’il y ait un interlocuteur en face de Réjeanne. Ici, l’espérance prend les traits d’une hypothèse de foi, une fragile ouverture. Est-ce le cri d’une espérance qui ne veut pas désespérer? Est-ce la conviction que Dieu existe et qu’il peut sortir de son silence? Toutes les suppositions sont possibles. Le film se tait. C’est à nous de prendre la parole. C’est à nous de poursuivre l’aventure de Réjeanne.
J’ai vu «Contre toute espérance» au moment où Haïti traverse la catastrophe de ses tremblements de terre. Haïti, c’est «Contre toute espérance» à l’échelle d’un pays. De malheur en malheur, les Haïtiens et les Haïtiennes subissent les coups du mauvais sort. Comme Réjeanne, ils se battent pour vivre et retrouver un minimum de dignité. Les reportages des médias montrent des visages impressionnants : les uns se résignent; d’autres recommencent avec entêtement; certains se révoltent; plusieurs pleurent doucement.
Au plus fort de la tragédie surgissent des événements comme autant de paraboles de l’espérance qui s’entête à demeurer vivante. Ainsi, la caméra d’un reporter a filmé la naissance en pleine rue d’une adorable petite fille. La vie crie qu’elle veut vivre.
Je n’oublierai pas le large sourire d’un petit garçon qu’on a retiré des décombres de sa maison plusieurs jours après l’effondrement. Renaissance! Le sourire de cet enfant, nous avons pu le reconnaître dans les espoirs reflétés par le spectacle-bénéfice organisé par Luke Mervil et ses amis, spectacle diffusé par toutes les postes de télévision vendredi dernier : Ensemble pour Haïti. Ensemble faire naître la joie!
Un confrère de ma communauté religieuse qui travaille en Haïti raconte dans sa dernière communication : un couple de fiancés devait se marier ces jours-ci. On s’attendait que les tourtereaux décident d’attendre que la situation se calme pour célébrer leur mariage dans les meilleures conditions possibles. Eh bien, non! Les amoureux ont choisi de se marier malgré tout. Le malheur n’aura pas le dernier mot! L’amour est plus fort que la mort.