S’inscrire dans une lignée
Les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : « Que devons-nous faire ? »
Jean leur répondait : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! »
Des publicains (collecteurs d’impôts) vinrent aussi se faire baptiser et lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. »
A leur tour, des soldats lui demandaient : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « Ne faites ni violence ni tort à personne ; et contentez-vous de votre solde. »
Or, le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Messie.
Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu. Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera dans un feu qui ne s’éteint pas. »
Par ces exhortations et bien d’autres encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.
COMMENTAIRE
Nous nous approchons de Noël. Et voici que sur la place publique, au milieu de l’agitation des courses et des partys, une voix se fait entendre. Elle nous parle de partage, de justice, de non-violence. C’est la voix d’un prophète radical et libre, qui vient réveiller et déranger. Jean le baptiseur, Jean le dérangeant, Jean à la parole qui parle vrai. Il vient aussi encourager, redonner courage, car il annonce quelqu’un à venir, quelqu’un à attendre comme la réalisation d’une promesse.
Des gens vont à lui avec des questions sur leur vie. Que faire? Comment vivre dans ce monde confus et agité? Il entend ces questions, les quêtes et souffrances qu’elles expriment. Ses réponses sont claires et honnêtes et elles vont à l’essentiel.
En même temps, il fait plus que proposer des pistes pour vivre. Il annonce quelqu’un et il ne se prend pas pour cet autre qui ira plus loin que lui. Il prépare sa venue. Et la meilleure façon de se préparer à recevoir cette grande visite, c’est une pratique de partage, de justice, de non-violence. Ainsi, il ouvre un avenir à espérer.
La figure de ce Jean surgit aussi de notre propre mémoire, de notre histoire, car il est patron des Canadiens français; sa fête est même devenue fête nationale. Mais ce Jean des évangiles n’est pas un doux enfant berger. Sa peau est rude, marquée par les vents et le souffle du désert. Il est un adulte, prophète, audacieux et libre. Courageux devant les pouvoirs, il ne cèdera pas face aux conformismes et il en paiera le prix de sa vie, comme celui-là même qu’il annonçait.
Cet homme nous laisse un héritage moral et religieux impressionnant, avec une vision et des valeurs encore pertinentes et dérangeantes. Et porteuses d’une attente, d’un cœur ouvert et espérant. Mais cet héritage, Jean ne l’a pas inventé à lui tout seul, il l’a repris de ses devanciers prophètes, comme Isaïe, Amos, Jérémie, qui eux aussi parlaient de partage et de justice. Un héritage qui s’inscrit, qui nous inscrit, dans une longue lignée.
Jésus lui-même sera marqué par ce Jean, par sa parole, par son baptême, par son appel à la conversion. Jésus commencera sa vie publique comme disciple de ce Jean. Il suivra sa propre voie, unique, mais il reprendra plusieurs aspects du message et du style de Jean : entre autres, son ouverture à toute personne, son attention aux pécheurs et aux exclus, et sa liberté. Ainsi, Jésus lui-même va s’inscrire dans une lignée, pour aller plus loin encore.
Noël s’approche. Nous allons souligner la venue de Jésus parmi nous, une naissance qui invite à commencer, à recommencer, dans l’espérance et le courage. Comme si l’aventure de la Bonne nouvelle reprenait avec chaque année, chaque génération, chaque vie nouvelle. Comme si, aussi, la figure de Jean avait besoin de revenir sur la place pour réveiller, déranger, encourager, pour annoncer quelqu’un qui peut transformer la vie, la rendre féconde.
Aujourd’hui, qui peut faire entendre, sur nos places, cette voix attentive aux questions, cette parole qui appelle? Qui, sinon nous qui aujourd’hui l’entendons et nous inscrivons dans cette longue lignée, comme croyants et aussi comme citoyens d’une culture dont le patrimoine n’est pas seulement ou d’abord fait de pierres et de briques, mais de convictions sur la dignité de la vie humaine, d’une ouverture à plus grand que nous, d’une attente face à l’avenir ?
Ou qui d’autre peut accueillir et mettre en pratique cette parole et ses appels à vivre le partage, la justice et la paix, sinon nous qui aujourd’hui l’écoutons avec nos questions et nos recherches?
Ainsi, dans ce récit ancien, une nouveauté vient nous rendre visite, pour nous faire entrer dans son histoire, pour qu’elle se poursuive et transmette son goût de partage, de justice, de paix.