À ce moment de l’année, nous prenons le temps d’écrire à nos parents et à nos amis. Nous nous offrons des voeux. Aujourd’hui, j’ai choisi de t’envoyer, à toi aussi, une lettre. Je veux te dire mon étonnement devant ta façon d’entrer en relation avec nous.
On dirait que tu fais tout pour ne pas être reconnu. On s’attendrait que tu arrives parmi nous dans l’éclat de la gloire, que tu te distingues de tout le reste. Toi, le Tout-Autre, tu te présentes dans un corps humain. Tu es enfant, puis adulte comme chacun et chacune d’entre nous. Aussi fragile que nous, que notre corps et que notre esprit.
Ne dit-on pas que tu es le Tout-Puissant? Voilà que tu te manifestes dans la faiblesse d’une jeune fille. Elle te porte dans son sein comme toutes les mères du monde. Tu devrais être au-dessus de la mêlée et tu choisis de t’enfouir dans la pâte humaine. Toi le Très-Haut, tu te présentes comme le Très-Bas. Toi le Créateur, tu viens parmi nous comme la plus discrète des créatures.
Avec l’intelligence que tu nous as donnée, nous devrions pouvoir te définir et te connaître. Nous arrivons à remplir nos esprits de beaucoup de sciences. Tu te laisses plutôt deviner dans l’imprécision de la foi et des doutes. Nous ne pouvons même pas prouver ton existence.
On te compare souvent à la lumière. La lumière n’est pas repérable en soi. On la reconnaît seulement quand elle éclaire quelque chose. Comme elle, tu es insaisissable. Alors que tu devrais nous attirer vers toi, tu portes notre regard vers les êtres humains. Tu demeures l’Inconnu, le grand Inconnu de l’expérience humaine. La philosophie invente des concepts pour essayer de saisir ton essence. Elle doit cependant capituler quand elle parvient à l’horizon extrême de la pensée. La théologie arrive à griffonner quelques images de toi. À une condition cependant: qu’elle accepte d’abord de reconnaître que tu te révèles dans l’humble cheminement de l’histoire humaine. Nous ne savons rien de ton existence en dehors de notre propre existence.
En te cachant ainsi parmi nous, en refusant de t’imposer et d’être évident, tu prends le risque de perdre des amis. Tu favorises l’athéisme et l’incroyance. Et si nous avons la foi, c’est une foi pleine de doutes. Nous aimerions que tu sois la réponse à tous nos mystères. Tu choisis de demeurer la question que les hommes et les femmes se transmettent de génération en génération depuis le début de l’humanité et pour les siècles à venir.
Un jour, Jésus a affirmé: « Elle est étroite, la porte, il est resserré le chemin qui conduit à la vie» (Matthieu 7, 14). Il nous invitait à choisir ce sentier difficile pour te rejoindre. Mais, dans les faits, c’est plutôt toi qui t’es engagé sur ce chemin ardu pour venir à notre rencontre. Avec le risque de ne pas nous trouver.
Dieu, humble Dieu, Dieu étonnant et paradoxal, donne-nous assez de foi pour t’accepter dans toute ton humilité. Donne-nous assez d’espérance pour ne pas avoir peur de tout perdre à cause de ta fragilité. Donne-nous assez d’amour pour t’accueillir dans nos vies malgré ton silence et ta discrétion.
Ton enfant qui veut croire en toi jusqu’au bout.