Réveiller notre attente
Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « En ces temps-là, après une terrible détresse, le soleil s’obscurcira et la lune perdra son éclat. Les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées avec grande puissance et grande gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, de l’extrémité de la terre à l’extrémité du ciel.
Que la comparaison du figuier vous instruise : Dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte.
Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.
Quant au jour et à l’heure, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père. »
COMMENTAIRE
Cet Évangile fait partie du discours de Jésus sur les derniers temps. Après cette solennelle annonce à Jérusalem, ce sera la Passion. Dans le temps liturgique, c’est le dernier dimanche ordinaire. Après, ce sera le Christ-Roi puis l’Avent.
Ainsi, ce temps ordinaire arrive à son terme avec des paroles qui sont peu ordinaires! Nous ne sommes plus tout-à-fait dans le quotidien des relations et des travaux, dans le rythme des journées et des nuits. Tout l’univers est convoqué, avec les astres et les étoiles et les quatre coins du monde. Ciel et terre sont engagés dans une profonde transformation.
Le temps n’est plus quotidien : il arrive à sa fin dernière, il est tout proche du port. Un jour et une heure ultimes sont mentionnés, mais ils sont inconnus et inconnaissables, secrets cachés dans le mystère de Dieu.
Au centre de ce scénario littéralement de fin du monde et de l’avènement définitif du Règne de Dieu, se trouve une figure impressionnante, celle du Fils de l’homme. Il est entouré de puissance et de gloire et il s’approche.
Cette vision cosmique nous semble déconcertante et bien loin de nos soucis immédiats. Mais elle est pourtant bien enracinée dans l’espace et le temps. Tout d’abord, elle s’inscrit dans une tradition vivante, celle d’une religion et de ses Écritures sacrées. Le discours est tissé de citations des prophètes. Les paroles d’Isaïe, Ézéchiel, Joël, Daniel, sont convoquées pour annoncer une réalité mystérieuse. Ce qui semble bizarre s’inscrit dans une longue attente qui enfin va trouver son aboutissement.
Et pour les chrétiens des origines, cette attente est réelle et intense : le Christ glorieux va revenir de leur vivant pour les emporter avec lui dans son amour et pour transformer l’univers. Ce discours est pour eux non la prédiction de catastrophes suscitant la peur, mais l’annonce d’une espérance radicale, qui appelle à se préparer et à vivre dignement, dans la confiance que la libération est toute proche.
En quoi tout cela peut-il nous toucher? Ces paroles invitent à élargir l’horizon de nos existences personnelles et sociales. Le monde ne se réduit pas au train-train des semaines ordinaires et des petits tracas. Il est traversé par des courants de mort et de vie, qui dépassent la banalité des apparences. Il porte des enjeux d’espoir et de salut qui débordent l’immédiat des préoccupations et des divertissements.
En un sens, nous sommes bien placés pour entrer dans ces perspectives. Autour de questions comme l’environnement et les changements climatiques, les déplacements et crises affectant la vie politique et économique, nous voyons mieux les implications des choix faits au jour le jour, sans horizon plus vaste. Nous entrevoyons que ce monde est plus qu’il ne paraît et qu’il est un terrain global où des forces s’affrontent. Comment garder espoir, ne pas se résigner? Ce n’est pas possible sans une vision plus large, sans une attente plus profonde, sans une inspiration plus radicale qui nous fassent relever la tête et nous tenir debout, dans une espérance tenace et active.
De plus, ce discours comprend une mise en garde pratique et fort pertinente. Nul ne connaît le jour et l’heure. Aussi tous les pseudo-prophètes et les marchands d’illusions qui nous prédisent avec exactitude le soir ou le quart-d’heure du grand bouleversement se trompent. Cela a l’avantage de clarifier cette question.
Marc nous fait entendre l’appel à une vigilance lucide et à une attente joyeuse. Quelqu’un va frapper à notre porte. Et il le fait déjà, pour que nous restions en éveil, attentifs à notre monde et au mystère qui l’habite, dans son mouvement vers son achèvement, vers un nouveau commencement.