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Responsable de la chronique : Gilles Leblanc
Cinéma d'aujourd'hui

Difficile accueil de l’autre : LIBERTÉ et J’AI TUÉ MA MÈRE

Imprimer Par Gilles Leblanc

Il n’est jamais facile d’accueillir l’autre. Deux films récents en témoignent en utilisant des angles de traitement particuliers. LIBERTÉ, le dernier film de Gatlif, aborde le traitement inhumain que l’on a réservé aux Tsiganes pendant la Seconde Guerre mondiale et, de façon plus intimiste, le jeune Québécois Dolan dépeint une difficile relation interpersonnelle dans J’AI TUÉ MA MÈRE.

LIBERTÉ

Bien des cinéphiles connaissent et aiment le réalisateur français Tony Gatlif, dont l’œuvre tourne en grande partie autour du sort réservé à ses compatriotes gitans. Au Festival des films du monde de 2009, LIBERTÉ, son dernier film, s’est mérité le Grand prix des Amériques, le Prix du public et a reçu une mention spéciale du jury œcuménique.

Dans cette production, il est question d’un chapitre sombre de l’occupation allemande en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Une loi y interdisait le nomadisme sur tout le territoire. En 1943, une famille tsigane, venue d’ailleurs, est repérée et accueillie par le maire et vétérinaire d’un petit village (Marc Lavoine, humain et généreux), de même que par une institutrice (Marie-Josée Croze, digne et compatissante), qui prendront peu à peu fait et cause pour elle.

Fort bien interprété, le film comporte des plans magnifiques, dont celui de l’arrivée des roulottes au village. Le savoir-faire des gitans en tant que guérisseurs, forgerons, etc. ainsi que leur sens profond de la vie communautaire, du respect de la différence et de la joie de vivre sont présentés avec lyrisme et enthousiasme. Selon sa bonne habitude, l’auteur de LATCHO DROM fait aussi une large part à une musique enlevante et omniprésente.

Environ 500 000 Roms furent arrêtés par les nazis, puis enfermés dans des camps. Ils prenaient ensuite la direction d’Auschwitz pour l’extermination finale.

Regroupant des personnes désignées par les associations internationales Signis (catholique) et Interfilm (protestante), le jury œcuménique a tenu à féliciter «Tony Gatlif pour sa description nuancée des amitiés interculturelles complexes, et du prix de la compassion payé par ceux qui ont accueilli les étrangers chez eux».

J’AI TUÉ MA MÈRE

Produit à compte d’auteur, avec la fougue et l’opiniâtreté de la jeunesse, ce premier long métrage de Xavier Dolan, 20 ans, constitue en soi un petit miracle. Librement inspirée de la Nouvelle Vague et de Wong Kar-wai, la réalisation est pleine de fraîcheur et de vivacité.

Hubert, 16 ans, ne supporte plus Chantale, sa mère. Tout en elle l’irrite, depuis son comportement un rien vulgaire jusqu’à sa garde de robe de mauvais goût. Mais le garçon a beau l’accabler de reproches, celle-ci feint l’indifférence ou s’abandonne au jeu de l’engueulade, le temps d’un éclat vite oublié. Lorsqu’il lui annonce son projet de quitter la maison pour aller vivre avec son meilleur ami Antonin, elle cède sans réfléchir, mais quelques jours plus tard, elle se ravise. Ne vient-elle pas d’apprendre, par la maman d’Antonin rencontrée par hasard, que leurs fils sont amants? Lorsque Hubert, furieux, fugue et trouve abri chez une enseignante sensible à sa cause, Chantale, de guerre lasse, se tourne vers le père du garçon afin qu’il l’aide à faire entendre raison à son fils.

Un filmage direct et frontal laisse réellement percer la voix de l’auteur et tire le meilleur parti de moyens techniques limités. Sont aussi à apprécier les dialogues intelligents et une direction d’acteurs impeccable, qui met en valeur la formidable Anne Dorval, inoubliable en cible indestructible du fils précieux et intransigeant, défendu par le cinéaste avec aplomb et une bienheureuse abnégation.

Pas surprenant que le film J’AI TUE MA MÈRE ait été si bien reçu au Festival de Cannes et qu’il soit choisi comme candidature canadienne pour la prochaine remise des Oscars.

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