Je regardais le petit garçon. C’était le père en peinture! Le même visage carré, le même nez, la même tension dans les yeux. Mais le sourire, lui, il venait de la mère, un sourire tranquille, celui de la confiance et de la sérénité. Clermont, fils de Jean-Claude et de Marlène.
Je regardais le petit Clermont et je voyais Jean-Claude et Marlène. De cet homme et de cette femme, l’enfant était une présence, un rappel, un souvenir. Un souvenir comme une photo nous rappelle quelqu’un.
Je savais cependant que le souvenir ne se limiterait pas à ces apparences. Il serait plus qu’un trait de visage ou la petite fossette de la joue. Cet enfant partageait la vie de son père et de sa mère. Il les écoutait parler. Il les voyait agir. Il adoptait déjà la démarche , les points de vue, la manière de juger des situations. Peut-être, devenu adulte, serait-il aussi vif que son père, aussi pondéré que sa mère. Pas une copie conforme, car il aurait droit à sa personnalité propre, à ses options personnelles. Mais une part de la richesse familiale lui était transmise, qu’il léguerait lui-même à ses descendants. D’une génération à l’autre se perpétuerait le souvenir, un souvenir très concret.
Il en est ainsi de notre relation à Dieu. En nous créant, Dieu nous a transmis de lui-même. Le livre de la Genèse le laisse entendre dans un langage imagé: « Le Seigneur Dieu modela l’homme avec de la poussière prise du sol. Il insuffla dans ses narines l’haleine de vie, et l’homme devint un être vivant.» (2, 7) C’est de Dieu que nous tenons la vie. Le souffle qui nous traverse est celui-là même de Dieu. De génération en génération, nous tenons notre filiation de Dieu le Père.
« Quand est venue l’accomplissement du temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme» (Galates 4, 4), comme chacun et chacune d’entre nous. Nous nous sommes reconnus en son Fils. Dans ses traits, les nôtres. Dans ses aspirations, les nôtres. Dans ses peines comme dans ses joies, les nôtres.
Pétri de terre comme nous, vivant du souffle de Dieu comme nous, Jésus est notre frère, de la même famille humaine. Nous sommes ses frères et ses soeurs de la même famille divine.
L’Esprit de Dieu le Père et du Fils nous habite. Progressivement, il nous transforme à l’image de Dieu. « L’Esprit fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions: Abba, Père. Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Enfants et donc héritiers: héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ.» (Romains 8, 15-17)
Notre histoire se tisse à même l’histoire de Dieu. Et celle de Dieu s’inscrit dans la nôtre.