C’est seulement enceinte de mon huitième enfant que je suis parvenue enfin à réaliser mes premiers tricots en vue de la layette. Ayant une belle-maman experte en tricot, je n’avais jamais poussé très loin mes projets sur ce chapitre. Mais cette fois, têtue, je m’étais cramponnée à la tâche, et j’étais plutôt fière du petit bonnet écru et du gilet façon marinière que j’avais réalisés. J’avais mis tout de même plusieurs jours, à les tricoter, et je tenais vraiment à les traiter avec soin afin de ne pas les abîmer. C’est à ce moment que j’ai découvert le savon de Marseille. J’étais très sceptique au départ en imaginant que sans frotter, à l’aide de l’eau froide, avec cette barre de savon doux, j’allais parvenir à nettoyer les taches des petits tricots. Il suffisait de laisser tremper pour la nuit. Mon étonnement fut total et mon engouement aussi! Je découvris aussi quelques trucs de grand-mère, telle l’addition d’un peu de vinaigre à la dernière eau de rinçage, pour adoucir, et de quelques gouttes de lavande pour parfumer.
La magie de ce savon doux est le temps. Combien de fois, jeune mariée, j’ai ruiné un vêtement par ma hâte à vouloir faire partir une tache rapidement et efficacement. J’utilisais des détergents puissants, avec des résultats mitigés. Ou alors je tardais trop avant de m’occuper de la tache, et elle s’incrustait de manière permanente dans le tissu.
La vie conjugale ressemble parfois à la lessive que l’on fait. Quand survient une difficulté, on peut avoir parfois le réflexe naturel de vouloir la faire partir au plus vite. Alors on utilise parfois des moyens musclés pour s’en débarrasser : harcèlement verbal, accusation, mesquinerie, mésinterprétation des intentions de l’autre. Le détersif est tout aussi puissant qu’inefficace. On veut rapidement imposer ses vues à l’autre, afin de rectifier le problème, croit-on!
D’autre fois, par paresse ou manque de temps, on laisse un problème s’incruster dans le tissu conjugal. Il faudrait s’arrêter, prendre le temps de trouver des pistes, mais redoutant une confrontation, on laisse courir…
Pour le mariage, le savon de Marseille, c’est la prière. Quand survient une difficulté, si elle persiste après une discussion posée, il n’y a rien comme une prière et de laisser reposer à froid pour nous éclairer afin de trouver des solutions. Et comme les taches, il faut traiter aussitôt, mais sans précipitation.
Un agent actif précieux dans la vie de couple est de ne voir que de bonnes intentions derrière les actions de l’autre. Celui-ci étant différent de moi, il est difficile d’interpréter sa façon de penser à partir de mon point de vue. Il faut aussi consentir à l’autre le droit de penser et de ressentir par lui-même afin qu’il puisse être lui-même. La vie à deux demande aussi de l’espace pour mêler les points de vue différents. Le véritable amour se révèle dans le désir sincère d’être à l’écoute des besoins de l’autre.
Le mariage est parfois plus complexe qu’une histoire de lessive, mais n’oublions pas que Dieu est plus puissant que le savon de Marseille!