Hier, c’était la fête chez Annick et Alain. Les deux tourtereaux faisaient baptiser leur premier enfant. Du haut de ses quatre mois, William occupait la place d’honneur. Il attirait les regards et les caresses de tous les invités. Un si petit être et pourtant il subjugue tout le monde. La faiblesse incarnée et, malgré cela, il attire l’attention et attendrit les coeurs les plus durs.
Quatre mois, c’est un passé bien court. Mais William n’a pas perdu de temps. Il se développe rapidement. Et, à la même vitesse, il prend possession de son domaine. Entre l’allure qu’il avait au moment de l’accouchement et aujourd’hui, c’est le jour et la nuit. La vie a explosé comme un immense feu d’artifice.
Mais de quoi se composera l’avenir de William? Bien malin qui pourrait décrire exactement ce qui attend le petit dans vingt-cinq ou cinquante ans. Nos parents à nous n’auraient pu imaginer ce qui nous était réservé. À plus forte raison de nos jours. Aucune boule de cristal ne peut révéler, aucun jeu de cartes, aucun prophète ne peut établir les contours de ce qui est en train de germer sur la planète en moyens technologiques comme en développement de la pensée humaine.
Cette incapacité peut faire peur à certains. Les bouleversements actuels n’annoncent pas nécessairement le calme plat pour les prochaines années. On peut donc prévoir d’autres tensions, d’autres conflits internationaux. L’imagination des sadiques peut créer des armes encore plus destructrices que ce que nous connaissons présentement. Le virus I love you qui a paralysé des milliers d’ordinateurs, il y a quelques années, n’est qu’un mince exemple de ce que l’on peut faire dans le monde de l’Internet.
Devant de telles perspectives, certains diront qu’il n’est pas prudent de donner naissance à des enfants. Pourquoi concevoir des êtres qui risquent les plus grands malheurs? Faut-il être aussi pessimiste? Les générations qui nous précèdent avaient les mêmes craintes. Que de fois ne nous plaignait-on en disant: «Pauvres enfants qui vont connaître autant d’horreurs!» Les horreurs ont fait partie de nos histoires. Mais nous ne sommes pas plus mal pris que nos ancêtres. Nous avons su faire face à la musique. Et nous avons connu aussi des jours ensoleillés. Pour un grand nombre parmi nous, le bonheur est au rendez-vous.
Pourquoi le bonheur ne se présenterait-il pas aussi pour William et sa génération? Pourquoi les adultes de demain n’auraient-ils pas les ressources nécessaires pour se bâtir une terre intéressante, un paradis potable? Peut-être même qu’ils pourront s’offrir des jours plus heureux que les nôtres.
Donner naissance à un enfant aujourd’hui comme hier, c’est croire en l’avenir. C’est surtout avoir confiance dans les capacités et les ressources de l’être humain. Chacun parcourt sa vie en apprenant de chaque pas avancé à faire le suivant. Chacun construit sa force à même la faiblesse qu’il déploie jour après jour. Chacun découvre les secrets de l’univers et du temps à bien s’enraciner dans son présent et à appuyer l’avenir sur la confiance que lui inspire son passé.
L’avenir de William pourra n’avoir rien de commun avec le nôtre ou celui de nos prédécesseurs. Cependant, à l’époque qu’il connaîtra comme à celles que nous avons traversées, la vie vaut la peine d’être vécue si les humains avancent la tête haute et refusent de baisser les bras. Du courage, bien sûr. Mais de l’audace surtout. Et le goût de mordre dans la vie comme dans un fruit savoureux!
Bonne route, William! Bon voyage avec tous les bouts-de-choux de ta génération. Nous espérons faire assez de pas avec toi pour que tu nous entraînes dans ta confiance.