Le printemps: des journées très chaudes à côté de temps maussades, gris, pluvieux, ternes. Les jours venteux et frisquets bousculent ceux qui étalent le chaud et bienfaisant soleil que nous espérions depuis plusieurs mois. Les températures varient comme un enfant gâtés.
Printemps capricieux, tout en contrastes. Image de la vie? Oui, image de la vie, image de nos existences tout en contradiction. Là aussi tout n’est pas toujours au beau fixe, ni non plus ne nous parvient en tempêtes et en pluies froides. Les événements de la vie nous arrivent sans sélection préalable. Nous aurions beau programmer le bonheur, la vie se présente à sa façon et se moque souvent de nos volontés comme de nos aspirations. Elle n’a rien d’un ordinateur obéissant aux lois frigides et sans nuances de l’informatique.
Et c’est tant mieux! S’il fallait que tout soit décidé d’avance, quelle vie ennuyante et ennuyeuse nous pendrait au bout du nez! Bien souvent, ce sont les surprises qui enrichissent la vie ou qui nous forcent à l’enrichir nous-mêmes. Ne serait-ce qu’en réagissant, en refusant, en combattant les mauvaises surprises.
La vie nous arrive en vrac. Devant ce sac d’événements, certains se contentent de recevoir la besace. Ils n’osent pas l’ouvrir par peur de ce qui les attend. Il la contourne avec inquiétude. Il y a peut-être des cadeaux empoisonnés dans le sac. C’est pourquoi ils hésitent à plonger la main. Si j’étais mordu!… Ils sont des sculpteurs qui n’osent jamais attaquer la bûche de bois pour en dégager la sculpture. Ils sont des poètes qui n’arrivent jamais à écrire de peur de ne pas coucher sur papier un chef d’oeuvre de la littérature.
D’autres sont plus audacieux. Ils vident le tout sur le parquet de leur quotidien. Ils examinent. Ils classent. Ils choisissent. Ils cherchent le sens. Les événements sont comme certains fruits. L’écorce est rude, revêche même, souvent peu attirante. Mais à l’intérieur, quel délice! N’allez pas croire que les gens heureux ne mangent que des bonnes choses. Comme les autres, ils trouvent dans leur panier des fruits désagréables, peu appétissants. Mais ils ont la conviction que la vie cache une amande délicieuse. Et ils cherchent. Les gens heureux ne subissent pas. Ils empoignent la vie. Ils l’apprêtent pour qu’elle livre toute sa saveur. Peut-être ne produisent-ils que de petits poèmes. Peut-être ne tirent-ils de leur bûche de bois qu’une sculpture naïve. Mais c’est leur poème, c’est leur oeuvre d’art. Et ils apposent leur signature avec fierté.
Pâques et son printemps nous invitent à vivre. Pleinement. Audacieusement. Méfions-nous de nos peurs. Faisons confiance à nos intrépidités. Un peu de précaution, bien sûr; mais pas trop! L’histoire de l’humanité est belle de toutes les audaces qu’on a su déployer. Elle est riche de tous les combats menés contre la démission et la peur.
Sur le tapis du salon, l’enfant se traîne jusque près d’un meuble. Il s’agrippe, lève une jambe, puis l’autre. Et tombe sur le derrière. Parfois un gémissement. Puis il recommence. Les doigts serrés sur le bord du meuble, il déplie une jambe, puis l’autre. À force de répéter le manège, ils se retrouve debout. Bientôt, il dégage une main, puis l’autre. Enfin, il avance une jambe, puis l’autre. Victoire de la persévérance sur la peur. Liberté d’un long combat vers le dépassement.
Nous avons vécu l’histoire de cet enfant. Nous avons appris à marcher nous aussi. Les gens qui se découragent l’ont peut-être oublié. Ceux et celles qui foncent ont tout simplement continué de se dépasser et de croire à la liberté. La recette du bonheur est simple, même si elle n’est pas toujours facile à appliquer: le bonheur consiste à chercher l’amande de la vie. C’est tout.