La communication est rétablie
Jean Baptiste proclamait dans le désert : « Voici venir derrière moi celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de me courber à ses pieds pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés dans l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. » Or, à cette époque, Jésus vint de Nazareth, ville de Galilée, et se fit baptiser par Jean dans le Jourdain. Au moment où il sortait de l’eau, Jésus vit le ciel se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe. Du ciel une voix se fit entendre : « C’est toi mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai mis tout mon amour. »
Commentaire
La communication, ou son absence, marque nos vies. On déplore, non sans raison, les effets néfastes de ses blocages et brouillages. Elle est promue comme moyen privilégié de rétablir la paix, de dénouer des impasses, d’assurer la croissance et la santé des personnes et des groupes. Quand une vraie communication s’établit dans un couple, une famille, un orga¬nisme, la confiance et l’espérance peuvent renaître, par¬-delà les difficultés du présent.
C’est une telle expérience que Marc suggère dans son récit. Il s’y passe un événement précis et bien situé, le bap¬tême de Jésus par Jean le Baptiste. Mais le baptême lui¬-même n’est pas décrit, il est seulement mentionné. Ce qui importe davantage, c’est son sens qui est révélé par les signes (les cieux se déchirant, l’Esprit comme une colom¬be) et par la voix venant des cieux (voix des Écritures). Les deux pointent vers le mystère de l’identité de Jésus. Le reste de l’évangile montrera de quelle manière Jésus est le Messie, Fils du Dieu vivant.
La portée profonde, pour nous, de cet événement du baptême est donnée par la simple évocation des cieux qui se déchirent. On pourrait croire qu’il s’agit d’une indica¬tion de météo. Mais Marc n’est pas intéressé à nous parler d’abord de la température! Il s’agit plutôt d’une affirma¬tion théologique forte qui annonce une réalité boulever¬sante, une bonne nouvelle qui répond à des attentes. Par la venue de Jésus, la communication est rétablie entre le ciel et la terre, entre Dieu et son peuple. Les prophètes et les psalmistes avaient supplié Dieu: Ah, si tu déchirais les cieux et venais jusqu’à nous! Jusques à quand te tairas-tu? Ouvre les cieux et descends… Et voici que maintenant les brouillages et blocages, le silence et la rupture sont brisés. Le courant est revenu.
Le baptême de Jésus montre celui-ci s’inscrivant dans le mouvement religieux de Jean le Baptiste, qui le marquera, même si Jésus ira plus loin. Mais plus encore, il révèle que le temps de l’isolement est fini. Le Dieu vivant ne se tait plus. Il communique par l’humanité donnée de Jésus de Nazareth, visage d’un Dieu aimant et faible, qui se fait proche jusqu’à la croix. La promesse de Dieu se réalisé de façon déroutante, par un Messie qui assume notre condition jusqu’au bout, ce qu’indique déjà son baptême par Jean. Enfin, on va sortir de la brisure et de l’éloignement, l’alliance va se renouveler.
Dans nos propres vies, cette alliance, cette communication avec le Dieu vivant connaît ses temps forts et ses périodes de distance, ses ruptures et ses silences, ses avancées provisoires et ses fuites dans l’indifférence ou l’agitation. En ce début d’année, le texte de Marc nous invite à reprendre l’échange, à oser un nouveau dialogue car le courant est rétabli. Sur la table de la Parole, une invitation nous est remise, une proposition de sens à entendre, à accueillir et approfondir. En regardant Jésus et en le suivant tout au long de l’évangile, comme les disciples, en l’interrogeant et nous laissant toucher par ses paroles, ses gestes et sa passion, nous risquons de rencontrer Dieu lui¬-même se communiquant à nous, nous communiquant le mystère de sa présence aimante et re-créante.
Peut-être hésitons-nous à rétablir cette communica¬tion, à cause du passé, de tant d’histoires, la nôtre avec ses confusions, celle des communautés ecclésiales avec ses lourdeurs, celle du monde ou nous vivons avec ses incer¬titudes. Mais l’offre est là, discrète. La ligne est ouverte, nous dit Marc, pour qui veut renouveler son alliance, entrer sur un chemin nouveau de communion. Le courant est rétabli, mais la communication, cela se fait à deux. Avons-nous quelque chose à dire? C’est le moment propi¬ce de le faire, avec nos pauvres mots, sans crainte de nous tromper, dans la confiance. Avons-nous quelque chose à entendre? C’est l’heure d’enlever nos écouteurs pour nous ouvrir à l’inouï.