Chacun de nous fait l’expérience du vieillissement, qui devient encore plus pénible lorsqu’elle est habitée par la maladie ou la souffrance. Le Psaume 38 évoque cette expérience et propose une façon de l’intégrer avec sérénité en se tournant vers Dieu.
Le thème du psaume et sa structure
Dans ce psaume, l’expérience de la souffrance et du vieillissement offre l’occasion de réfléchir sur la brièveté de la vie et de resituer ses valeurs sur cet horizon. Pour le psalmiste, le bonheur apparent des impies est cause de révolte (v. 2-4). Son cheminement l’a amené à prendre conscience que l’être humain n’est qu’un souffle (v. 5-6) et que les épreuves d’une personne peuvent la purifier de son envie (v. 8-12). Il conclut en demandant à Dieu de lui donner tout de même un peu de répit pour terminer ses jours dans la paix (v. 13-14).
L’expérience de souffrance
Le suppliant de ce psaume expérimente la souffrance de plusieurs façons. Il se dit frappé, assailli par Dieu à un point tel qu’il se consume et succombe (v. 11). Sa situation lui arrache des cris et des pleurs (v. 13). Ces expressions peuvent évoquer une maladie grave, conduisant éventuellement à la mort. La frustration du psalmiste est alimentée par le spectacle de la chance des autres, particulièrement de ceux et celles qu’il considère comme des impies, qui n’ont aucun souci de Dieu ou de leur prochain (v. 2-3) et à qui tout semble réussir (v. 7).
Le sens donné à la souffrance
Sans hésitation, le psalmiste attribue à Dieu les « coups » qu’il subit. Dans sa mentalité, Dieu est à l’œuvre et est derrière les « assauts » qui le consument. Pour lui, Dieu « corrige » ainsi les humains, comme le parent qui doit parfois punir pour mieux éduquer. Pour le psalmiste, cette réalité semble acquise et il ne la conteste pas. Il ne fait pas non plus un lien direct entre une forme précise de péché et le genre de souffrance qu’il éprouve. Mais sa souffrance lui permet de réfléchir à sa relation avec Dieu et avec les autres et de changer un peu sa vision des choses.
Réaction devant la souffrance Le psalmiste avait d’abord choisi de se taire et d’endurer son sort sans révolte.. Mais c’est plus fort que lui : il ne peut rester silencieux. Après tout, Dieu lui-même est sa seule espérance (v. 8). Le priant demande d’abord à Dieu de lui dire s’il en a encore pour longtemps à vivre (v. 5). Cette question hante tout être humain aux prises avec la souffrance. Il n’obtiendra pas de réponse immédiate à cette question, mais le fait de la poser le met sur une nouvelle piste : si la vie humaine est brève et fragile, alors le bonheur des impies et leur richesse n’ont pas grande importance. Il n’a finalement pas grand chose à leur envier. Par l’expérience de la souffrance, Dieu a fini par ronger et faire disparaître la jalousie que le psalmiste pouvait éprouver devant le succès apparent des autres. Libéré de ce souci, il peut se centrer davantage sur sa relation avec Dieu. Puisqu’il interprète son malheur comme une « correction » pour le péché, il demande à Dieu de le délivrer de ses fautes et d’éloigner ses coups. Cela pourrait allonger sa vie un peu mais surtout lui permettre de la terminer avec un peu plus de paix et de sérénité. Le psalmiste réalise que la vie humaine ressemble à la condition des étrangers qui séjournent temporairement dans le pays. L’être humain est un hôte de Dieu en ce monde. Il ne possède rien et dépend totalement de l’accueil et de la générosité de celui qui est le maître du pays. Par ailleurs, on sait comment le devoir d’hospitalité est un devoir sacré dans la Bible et comment Dieu a comblé son peuple dans le pays d’Israël. Aussi, tout en reconnaissant sa fragilité, le psalmiste espère bénéficier, pour le temps qui lui reste, de la bonté de son hôte.
Pour aujourd’hui
Ce psaume invite à prendre conscience de la fragilité humaine dont nous faisons de plus en plus l’expérience avec l’âge. Cette prise de conscience nous offre l’occasion de revoir nos valeurs et de nous demander ce qui compte vraiment pour nous. Dans une perspective chrétienne, nous pouvons y voir un appel à donner encore plus de profondeur et d’authenticité à notre relation avec Dieu et avec les autres, à profiter des joies simples de la vie comme le don de Dieu dont nous sommes les invités.
Notre regard, comme celui de nos ancêtres dans la foi, peut aussi s’étendre par-delà les limites de cette vie. Selon l’Épitre aux Hébreux, ceux-ci se considéraient comme des étrangers et des voyageurs sur la terre et ils aspiraient à une patrie meilleure, la patrie céleste préparée par Dieu et où Jésus a précédé ses frères et sœurs humains : « C’est dans la foi qu’ils sont tous morts sans avoir connu la réalisation des promesses ; mais ils l’avaient vue et saluée de loin, affirmant que, sur la terre, ils étaient des étrangers et des voyageurs. Or, parler ainsi, c’est montrer clairement qu’on est à la recherche d’une patrie. S’ils avaient pensé à celle qu’ils avaient quittée, ils auraient eu la possibilité d’y revenir. En fait, ils aspiraient à une patrie meilleure, celle des cieux. Et Dieu n’a pas refusé d’être invoqué comme leur Dieu, puisqu’il leur a préparé une cité céleste. » (Hébreux 11, 13-16)