À propos de l’eucharistie, le Christ a dit: «Vous ferez cela en mémoire de moi». Les disciples prirent la chose au sérieux. Depuis près de 2000 ans, l’eucharistie occupe le sommet de la vie chrétienne. C’est, sans aucun doute, le sacrement le plus célébré dans l’Église catholique.
Étonnamment, la Bible est très sobre sur le sujet. Nous possédons quatre récits de la dernière Cène où Jésus a institué l’eucharistie. Le texte le plus ancien se trouve dans une lettre de Paul aux Corinthiens (1 Corinthiens 11, 23 et suivants). Lui est apparenté le récit de Luc 22, 15-20). Sont venus un peu plus tard les récits de Matthieu (26, 26-29) et de Marc (14, 22-25) qui se ressemblent comme deux jumeaux. Les quatre situent la Cène la veille de la passion et de la mort du Seigneur. Le quatrième évangile ne raconte pas l’institution de l’eucharistie. Il offre, cependant, tout un discours sur le pain de vie en son chapitre 6. À part ces textes, le Nouveau Testament fait quelques allusions discrètes dans les Actes des apôtres et l’Apocalypse, notamment sur la fraction du pain, expression qui a désigné l’eucharistie, un certain temps.
Les auteurs sacrés se montrent donc très sobres. La chose nous étonne. Mais nous étonne encore davantage le contexte de leurs récits. L’apôtre Paul raconte la dernière Cène en engueulant les Corinthiens pour leurs assemblées qui sont loin d’être harmonieuses. «Lorsque vous vous réunissez en assemblée, il y a parmi vous des divisions, me dit-on, et je crois que c’est en partie vrai.» (11, 18). Les trois premiers évangiles nous surprennent davantage. À côté de l’institution de l’eucharistie, ils placent l’annonce de la trahison de Judas (Matthieu 26, 20-25; Marc 14, 17-21; Luc 22, 21-23) et l’annonce du reniement de Pierre (Matthieu 26, 33-34; Marc 14, 29-30; Luc 22, 33-34). Nous pourrions en avoir assez, mais voilà que le quatrième évangile en rajoute. Polémique et résistance accompagnent le discours sur le pain de vie. L’auteur va même jusqu’à fait allusion aux trahisons: «Jésus savait dès le début quels étaient ceux qui ne croyaient pas et qui était celui qui allait le livrer.» (6, 64)
Mes connaissances bibliques ne sont pas assez poussées pour comprendre les intentions des auteurs des livres saints en rapprochant des situations aussi différentes que sont le don de l’eucharistie, la trahison de Judas, le reniement de Pierre et les divisions des Corinthiens.
Mais je devine qu’il me faut faire attention à ma manière d’accueillir l’eucharistie. Se pourrait-il que l’eucharistie soit un mystère tellement grand que nous puissions le trahir et même renier le Seigneur dans notre approche de ce sacrement? L’histoire, surtout depuis le Moyen Âge, nous en apprend beaucoup sur les déviations que les chrétiens ont fait subir à l’eucharistie. À travers les siècles, on s’est souvent contenté de regarder le pain plutôt que de le manger. Sur la notion de présence réelle, on a durci les définitions de la théologie. Parfois, on a accordé plus d’importance aux dévotions en dehors de la messe qu’à la messe elle-même. Nos croyances manquent parfois d’équilibre.
Nous devons retourner régulièrement aux origines et renouer avec l’intention du Seigneur.