Une place centrale
Les lectures des offices de la liturgie des Heures font faire aux priants un large survol de la littérature biblique. La section intitulée «La Parole de Dieu» est d’ailleurs centrale dans divers offices. Si elle n’en occupe pas la majeure partie, elle est presque toujours structurellement au centre, comme le révèle le plan de deux offices:
Office du soir
. L’introduction
. L’hymne
. La psalmodie
. La Parole de Dieu
. Le répons bref
. Le cantique évangélique
. L’intercession
. Prières de demande
. Temps de silence
. Le Notre Père
. L’oraison
. La bénédiction finale
Office des lectures
. L’introduction
. L’hymne
. La psalmodie
. Les lectures
. La Parole de Dieu
. Lecture chrétienne
. L’hymne (certains jours)
. Oraison du jour
Si des passages bibliques apparaissent en divers endroit des offices de la liturgie des Heures (psaumes, cantiques et Notre), nous limiterons nos propos à ceux qu’on retrouve sous la rubrique «Parole de Dieu».
L’office des lectures
Nous traitons à part l’office des lectures à cause de son caractère particulier. Comme son nom l’indique, ce qui le distingue est l’importance accordée à la proclamation de la Parole. Contrairement aux autres offices de la journée, celui-ci n’est pas rattaché à une Heure spécifique: Sans que la dimension temporelle soit évacuée, ce qui est mis au premier rang est la lecture de la Bible et de textes de la tradition. Ce relatif détachement par rapport aux heures liturgiques indique d’ailleurs l’usage spécifique des lectures bibliques à cet office. Ici, les extraits de la Bible ont pour fonction première d’enseigner les fidèles, de leur faire découvrir chaque fois un nouveau pan de l’histoire du salut. Le choix des lectures bibliques correspond à l’esprit des divers temps forts de l’année liturgique (Avent, Noël, Carême, Pâques). Pour le temps ordinaire, les lectures sont agencées de manière à assurer continuité et progression.
Les autres offices
Les autres offices prévoient de très brefs passages bibliques : quelques versets tout au plus. Un regard attentif permet aussi de constater que la lecture n’est pas continue. On semble passer d’un livre biblique à l’autre de façon désorganisée. Mais ce n’est pas le cas, car certains principes ont guidé le choix des lectures. Ainsi, «la lecture brève est choisie suivant le jour, le temps ou la fête.» (Présentation générale de la Liturgie des heures no 45) Aussi, «les lectures brèves ou “capitules” (…) ont été choisies pour exprimer une pensée ou une exhortation avec précision et clarté. On a veillé aussi à leur variété.» (no 156) Le texte est plus explicite au numéro 158:
Dans le choix des lectures brèves, on a observé les points suivants:
a) Selon la tradition, les évangiles sont exclus.
b) Autant que possible on a observé le caractère du dimanche, ou encore du vendredi, et des heures elles-mêmes.
c) Les lectures de l’office du soir, puisqu’elles suivent un cantique du Nouveau Testament, ont été choisies exclusivement dans celui-ci.
Les lectures de deux jours de la semaine, donc, sont choisies en fonction de leur caractère propre. Gaston Fontaine («La lecture biblique dans la liturgie des heures», Bulletin national de liturgie 76, 1980, p. 188-190) les présente en les groupant selon des thèmes. Pour le dimanche, l’ambiance est pascale:
– Dieu, source de salut pour tous les hommes
– Le Christ ressuscité
– Baptême et vie chrétienne
– Espérance dans le Jour du Seigneur à venir
Pour le vendredi, les thèmes sont la passion et le sacrifice de Jésus, et d’autres qui leur sont liés (Dieu et la mort, sagesse du mystère de Dieu, conversion et salut, etc.). Le choix de la lecture est parfois dicté par l’heure de l’office. Tierce (milieu du jour) «évoque l’effusion de l’Esprit sur l’Église naissante à la Pentecôte». Six lectures bibliques de cette heure abordent ce thème. Les sept lectures choisies pour complies, heure «destinée à sanctifier le coucher» favorisent le passage au repos de la nuit. (G. Fontaine, op. cit., p. 190) D’autres cas semblables s’ajoutent à ceux-ci pour l’office du matin. Clui du lundi I prévoit l’exhortation suivante de Paul: «Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus!» (2 Th 3, 10b) Ces paroles tombent à pic avant d’entreprendre la première journée de travail de la semaine et avant même le petit déjeuner!
Des lectures pour prier
Contrairement aux passages bibliques de l’office des lectures, ceux des autres offices n’ont pas pour fonction première d’enseigner. Ils sont là surtout pour soutenir et motiver la louange. De fait, leur brièveté même leur donne leur caractère et leur portée. La lecture brève, en effet, «propose avec force quelque sentence sacrée, et qui met en lumière des paroles brèves auxquelles on risque de ne pas faire attention au cours d’une lecture continue des Écritures.» (Présentation générale de la Liturgie des heures, no 45) La lecture brève attire donc l’attention sur des morceaux choisis, des perles tirées de la Parole de Dieu.
Les exégètes sont parfois mal à l’aise avec cette approche «morcelée» de la Bible. Ces courts extraits, cités hors contexte, qui nous font passer d’un livre à l’autre, peuvent-ils permettre une juste perception de la littérature biblique? Voilà de quoi alimenter un véritable débat! Rappelons simplement que liturgie et exégèse historico-critique ne jouent pas le même rôle. En contexte liturgique, la manière de puiser à la tradition biblique est différente, mais tout aussi valable pour donner du sens à la Parole de Dieu. De plus, les lectures brèves ne sont pas les seuls endroits pour les chrétiens et les chrétiennes où se nourrir de la Parole. L’office des lectures et l’eucharistie (le dimanche et en semaine) donnent la possibilité de parcourir la Bible dans son ensemble, grâce à des extraits plus longs. Rien n’empêche non plus de lire et d’étudier la Bible de manière individuelle ou communautaire.