1. Du maître de chant. Sur « l’oppression des princes lointains. »
De David. À mi-voix. Quand les Philistins s’emparèrent de lui à Gat.
2. Pitié pour moi, ô Dieu, on me harcèle,
tout le jour des assaillants me pressent.
3. Ceux qui me guettent me harcèlent tout le jour
ils sont nombreux ceux qui m’assaillent là-haut.
4. Le jour où je crains, moi je compte sur toi.
5. Sur Dieu dont je loue la parole,
sur Dieu je compte et ne crains plus,
que me fait à moi la chair?
6. Tout le jour ils s’en prennent à mes paroles,
contre moi tous leurs pensers vont à mal;
7. ils s’ameutent, se cachent, épient mes traces,
comme pour surprendre mon âme.
8. A cause du forfait, rejette-les,
dans ta colère, ô Dieu, abats les peuples!
9. Tu as compté, toi, mes déboires,
recueille mes larmes dans ton outre!
10. Alors mes ennemis reculeront le jour où j’appelle.
Je le sais, Dieu est pour moi.
11. Sur Dieu dont je loue la parole,
sur Yahvé dont je loue la parole,
12. sur Dieu je compte et ne crains plus,
que me fait à moi un homme?
13. A ma charge, ô Dieu, les vœux que je t’ai faits,
j’acquitte envers toi les actions de grâces;
14. car tu sauvas mon âme de la mort
pour que je marche à la face de Dieu
dans la lumière des vivants.
[© Cerf 1997]
Le Psaume 56 est une prière qui transmet un fond ancien de supplication personnelle dans la détresse. Nous avons ici une imploration adressée à Dieu, de type davidique. D’autres psaumes vont dans le même sens, notamment les Ps 54 à 59. Ce qui est remarquable, c’est que cette supplique est accompagnée d’un refrain de louange de la parole de Dieu (v. 5a et 11) et d’une finale d’action de grâce publique (v. 13).
Le psalmiste commence en exprimant très concrètement l’oppression qu’il ressent, dans un discours en « je » qu’équilibre un appel très net à Dieu, formulé principalement en « tu », dans la seconde moitié du psaume. Le psaume se compose ainsi de deux parties formant un dyptique : v. 2-7 et 8-14.
Dans la première partie, après l’appel à la pitié (v. 2), il y a l’exposé de la double lamentation quant à l’oppression subie (v. 2-3 et v. 6-7), encadrant l’aveu de crainte qui fait place progressivement à la confiance (v. 4-5).
L’être humain, faible au plan physique autant qu’au plan moral, trouve une aide en Dieu qui est fort, qui a la vie et l’éternité. Il pose un acte de foi parfaite en Dieu. Sa parole mérite louange (v. 5a). La « parole » : c’est la promesse faite par Dieu de protéger et de défendre son fidèle, comme le rappelle le Ps 119 (118),41 : « Que m’adviennent tes grâces, Yahvé, ton salut, selon tes paroles ! » et 119 (118),65 : « Tu as fait du bien à ton serviteur, Yahvé, selon ta parole ». Ou encore le Ps 130(129),5 : « J’attends Yahvé, mon âme attend, et en sa parole j’espère ». Au profond de l’angoisse, le psalmiste découvre que celui qui se confie en Dieu n’a rien à craindre des agissements humains.
Dans la seconde partie, il y a le cri à l’aide (v. 8-9), puis le sentiment de protection divine et de confiance (v. 10-13) et sa finale de salut assuré (v. 14). Le suppliant est certain que Dieu prend le parti des opprimés (vv.12-13) et c’est pour cela que sa confiance grandit.
« Mes larmes » recueillies, cette réalité de la fragilité humaine, sont comme une conséquence des souffrances subies. Ces malheurs sont pris en compte. Et la langue hébraïque fait jouer ici l’assonance phonétique entre « déboires » et « outre » (v. 9).
Puisque la bonté de Dieu se manifeste en faveur des démunis de secours ou en danger de mort qu’Il délivre, ce psalmiste va louer la parole divine de salut.
L’épreuve et la souffrance ont conduit le psalmiste à la certitude de foi qui engendre sa confiance et l’entraîne à s’en remettre tout entier à Dieu.
En résumé : devant le danger et le harcèlement par ses ennemis, le psalmiste a recours à Dieu, L’implore et, fortifié par la parole de Dieu qu’il loue, il s’abandonne à Yahvé. Placé devant le mal, le psalmiste passe par une succession d’élans personnels vers la confiance qui bannit toute crainte. Le suppliant entrevoit une perspective de victoire et l’effondrement du mal, ici nommé « les peuples » (v. 8b), puis « la mort » (v. 14a) et s’engage à la gratitude envers Dieu (v. 13b).
Relecture chrétienne
Relecture christologique. Quand le psalmiste livre son âme, puis s’en remet à Dieu qui sauve, un chrétien peut retrouver dans le Ps 56 l’imploration de Jésus qui a pleuré, qui a osé se présenter devant ceux qui venaient le chercher (Jn 18,4-6) et qui, crucifié, prononça la supplique confiante du Ps 22. Mais Dieu est Celui qui a fait marcher son Christ dans la lumière de Pâques, après sa terrible agonie.
Relecture eschatologique. De même, quiconque suit Jésus aura la lumière de la vie (Jn 8,12c). Car Dieu est Celui qui essuiera toute larme (Ap 7,17 ; 21,4), nous délivre de la peur dans ce monde et même de la mort (Is 25,8). Ce qui nous permet de Le remercier et de faire action de grâce (Ps 116,8-9.17-18) : d’aller résolument à la rencontre de Dieu, de vivre en sa présence, face à face, dans la plénitude de vie (cf. Jn 17,1-2).
fr. Christian Eeckhout, o.p.
École biblique de Jérusalem