Un rayon de lumière
Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart, sur une haute montagne.
Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui. Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : « Seigneur, il est heureux que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. »
Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre ; et, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le ! »
Entendant cela, les disciples tombèrent la face contre terre et furent saisis d’une grande frayeur. Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et n’ayez pas peur ! »
Levant les yeux, ils ne virent plus que lui, Jésus seul. En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. »
Commentaire :
La semaine dernière, au premier dimanche du Carême, la troisième tentation de Jésus en Matthieu avait lieu sur une haute montagne. Il y a deux semaines, avec les Béatitudes, nous avions le début du Sermon sur la montagne. Et en ce deuxième dimanche du Carême, celui de la transfiguration, tout se passe sur la montagne. Plus que les autres évangiles, Matthieu privilégie ce haut lieu. Les pains multipliés, le discours des derniers temps, et l’envoi en mission à la toute fin de l’évangile adviennent sur une montagne. Dans les Écritures, c’est un lieu de révélation de la grandeur et de la gloire du Dieu vivant.
Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean pour aller à l’écart sur une haute montagne. Expérience de retrait du Maître, avec trois disciples plus proches. On voit ainsi que le réseau de relations de Jésus n’est pas anonyme ou indifférencié. Il a des liens privilégiés avec certaines personnes, il a des intimes.
Puis Jésus fut transfiguré devant eux, son visage resplendit comme le soleil, ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. La gloire de Dieu se manifeste en Jésus. Il est vraiment le Seigneur. Celui qui vient d’annoncer le passage par la croix, et que ses disciples peuvent hésiter à suivre, se présente déjà comme le Ressuscité, pour les aider à marcher à sa suite. Pour nous aider, en ces débuts de Carême, à nous rendre avec lui jusqu’à la Passion qui mène à la vie nouvelle, à la lumière de Pâques.
Et voici que deux figures marquantes de la Première Alliance, qui ont vécu des expériences de révélation profonde sur la montagne, Moïse et Élie, sont présentes. Pour que des liens se fassent dans cette longue histoire d’Alliance entre la mémoire et l’avenir. Jésus, nouveau Moïse, qui donne sa Loi nouvelle ; Jésus, nouvel Élie, prophète des derniers temps. Et voici qu’une nuée lumineuse les couvre, comme au Sinaï lors de la révélation du visage du Dieu et du don de la Loi.
Les disciples sont saisis de crainte : ils vivent une expérience religieuse forte qui les dépasse. Une présence de Dieu dans sa transcendante bonté. Ils aimeraient bien prendre demeure en ce lieu saint, s’installer dans cette lumière glorieuse, qui donne paix et confiance.
Tout cela est présenté pour que le plus important finalement ressorte : la Parole. De la nuée, une voix va parler. C’est la même voix qu’au baptême de Jésus, une voix qui cite les Écritures. Mais s’y ajoute : Écoutez-le. Les disciples sont en train de découvrir plus vivement le mystère de Jésus. Cette voix leur dit : Oui, écoutez-le, marchez à sa suite, faites-lui confiance. Jésus va vous surprendre, il va vous déconcerter, mais la vie est de son côté, sur son chemin. N’ayez pas peur d’écouter sa Parole, de le suivre jusqu’au bout de son don. La vérité du Dieu vivant, c’est dans le visage du Christ que vous la trouverez.
Mais de telles expériences plus intenses ne peuvent durer longtemps. Tout à coup, levant les yeux, ils ne virent plus que Jésus seul. Le moment fort est passé. Mais il laisse ses traces, une lumière intérieure et unique. Il s’agit maintenant de retourner au quotidien. Il faut savoir redescendre de la montagne, redescendre dans la vie ordinaire où nous attendent les défis.
Mathieu nous invite ici à découvrir le visage de Jésus plus mystérieux. Oui, Jésus est Messie, il est le nouveau David, il est le nouveau Moïse. Mais il est plus que cela, il est plus qu’un maître : il est vraiment le Fils de Dieu, à écouter. Pour nous, ce texte peut nous appeler à assurer dans notre vie des moments et des lieux où aller sur la montagne pour retrouver le sens du mystère du Christ vivant, de sa proche grandeur, de sa douce splendeur. Pour nous mettre à son écoute. Ce visage de Jésus en gloire, il est présent aujourd’hui encore. On peut le saisir, l’entrevoir, dans des temps forts de célébration et d’intériorité, qui nous illuminent ; ou dans la contemplation de visages et paysages, ou l’écoute de musiques, qui nous élèvent ; ou dans des geste de bonté et de justice qui nous éclairent. Sentiment d’une présence qui nous habite, plus grande que notre coeur, qui nous dépasse et nous donne la paix, qui est faite de lumière et de beauté.
De temps en temps, il vaut la peine de nous rendre sur ces montagnes, pour qu’un vaste horizon vienne renouveler notre regard et nous donne le courage de marcher dans la plaine et la cité, où le Dieu vivant nous attend là aussi, sous d’autres visages. En acceptant que ces expéditions en montagne, à l’écart, ces visites et visitations, soient un don passager, à recevoir sans s’y accrocher, pour qu’une vie en abondance rayonne dans le quotidien de nos chemins et de nos maisons.